L’atteinte de l’œil
ou de ses annexes
(paupières, conjonctives, glandes lacrymales)
est fréquente
au cours d’une maladie systémique ...



?
Olivier Jongh

Spécialiste en ophtalmologie (DESV-opht)
Clinique vétérinaire
2, rue Jacques
69250 Neuville-sur-Saône
Service ophtalmologie,
VetAgro-Sup
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy L’Étoile



Les œil est, sans conteste possible, l’organe des sens le plus important de nos mammifères domestiques et des primates. On compte, par exemple chez l’homme, plus de 70 p. cent de récepteurs sensoriels de l’organisme localisés dans les yeux (plus exactement, 250 millions de photorécepteurs !).


Afin d’assurer leur fonctionnement optimal, les globes oculaires, enchâssés dans l’orbite et d’organisation extrêmement complexe, sont en contact direct avec le milieu extérieur. Ils sont aussi surtout en relation étroite avec toutes les structures majeures de l’organisme, facteur susceptible de les doter d’une certaine “vulnérabilité” par ce lien de dépendance.
Les yeux possèdent néanmoins un statut anatomique, physiologique et immunologique privilégiés (barrières hémato-oculaires, barrières anatomiques, inhibition des réactions immunologiques fortement délétères pour l’intégrité des tissus, absences de vaisseaux lymphatiques, voire sanguins, dans certaines topographies comme le cristallin, la cornée ou le corps vitré, …) qui l’isolent et le protègent des nombreuses agressions, notamment antigéniques. Cette protection reste, en revanche, dans certaines circonstances, fragiles et le chapitre complexe des uvéites témoigne de cette dualité.

L’œil est particulièrement vascularisé, en particulier au niveau du segment postérieur où le débit vasculaire ramené au gramme de tissu est l’un des plus importants de tout l’organisme, et bien au delà de celui du système nerveux central !

La transparence des différents milieux (humeur aqueuse, cristallin, cornée, corps vitré) garantit l’acheminement des rayons lumineux vers son récepteur électif, la rétine.
Ainsi, par voie de conséquence et de façon unique, l’examen du fond d’oeil reste la seule méthode “in vivo” d’approcher le réseau vasculaire de manière non invasive (possibilité de diagnostiquer des états hémorragiques, les polyglobulies, l’hypertension artérielle, l’hyperviscosité sanguine, …). La vascularisation rétinienne de type holangiotique de nos carnivores domestiques autorise, en effet, l’observation des veinules et des artérioles par un simple examen ophtalmoscopique qui devrait ainsi, faire partie de tout examen clinique de base.

L’œil est aussi indissociable du système nerveux central et autonome avec son large cortex visuel (celui-ci n’occupe pas moins de 15 p. cent de l’ensemble du cortex cérébral humain) et de l’ensemble des nerfs périphériques (voies d’acheminement de l’information visuelle, voies motrices, sensorielles, …) ; le nerf optique est par exemple, à ce titre, davantage considéré comme une expansion du diencéphale qu’un “simple” nerf crânien (2e paire crânienne). On mesure ainsi l’impact de toute altération de ce vaste réseau neurologique sur le bon fonctionnement oculaire.

L’atteinte de l’œil ou de ses annexes (paupières, conjonctives, glandes lacrymales) est donc fréquente au cours d’une maladie systémique regroupant des entités nosologiques diverses. Elle est parfois révélatrice d’une affection générale comme elle est aussi susceptible de fournir de précieux indices complémentaires dans la confirmation d’un diagnostic préalablement suspecté. Chaque tissu possède, en revanche, une sensibilité aux multiples perturbations systémiques. Il incombe donc à l’ophtalmologiste de connaître les maladies générales dotées de manifestations oculaires dans des domaines englobant l’ensemble de la médecine générale et ses spécialités. Le bon ophtalmologiste aura idéalement une excellente formation médicale dans des domaines aussi vastes que les maladies infectieuses, l’endocrinologie, les troubles neurologiques, les atteintes vasculaires, les affections métaboliques, dermatologiques, …

L’examen oculaire présente alors pour l’interniste plusieurs intérêts :
- celui d’appuyer un diagnostic déjà établi ou d’évoquer des hypothèses devant des signes cliniques inauguraux encore peu significatifs, en gardant à l’esprit que toutes ces affections concernées ne sont pas forcément spécifiques ni régulièrement responsables de troubles oculaires ;
- celui de nuancer le pronostic de certaines maladies où le bilan oculaire péjore parfois l’affection primitive (gravité de cette dernière corrélée aux lésions ophtalmologiques) et lorsque les atteintes oculaires sont plus invalidantes que la maladie initiale, l’œil se trouve alors en position de “témoin” mais aussi de “victime” ;
- celui de dicter la thérapeutique et d’éventuellement contre-indiquer certains principes actifs ;
- enfin, celui de suivre l’évolution de la maladie et d’en permettre sa surveillance.
Le vieil adage métaphorique de l’œil considéré comme une véritable “fenêtre ouverte sur l’organisme” conserve au 21e siècle toute sa pertinence médicale.

Ce dossier spécial du NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE canine-féline consacré à “L’œil et les maladies générales” s’adresse autant aux internistes qu’aux ophtalmologistes, les incitant à une étroite collaboration où à une meilleure connaissance des disciplines respectives. Il s’affranchit d’une exhaustivité que pourrait inspirer un tel thème en privilégiant les sujets pratiques, fréquemment rencontrés en clinique des carnivores domestiques et accessibles à l’ensemble des vétérinaires praticiens.



Sauter N°48, volume 10, 2011

N°48, volume 10, 2011

Sauter sommaire

sommaire

 
Éditorial par Olivier Jongh
A propos de la publicité par Maryvonne Barbaray
Test clinique - Pertes vulvaires après ovariectomie chez une chienne
Luis Matres-Lorenzo, Anne Gogny, Francis Fiéni
Questions-Réponses autour de la trachéobronchite infectieuse canine
Jean-Luc Cadoré

CANINE
- Œil et hypertension artérielle chez le chien et le chat : clinique, pronostic, traitement
Thierry Azoulay
- Œil et dysendocrinies chez les carnivores domestiques : savoir reconnaître et diagnostiquer les principales affections Olivier Jongh
- Clinique des uvéites chez le chien et le chat Jean-Yves Douet, Julien Charron, Sylvain Medan
- Les uvéites infectieuses chez le chien et le chat : diagnostic et examens complémentaires
Frank Famose
- Œil et affections nerveuses chez le chien et le chat
Arnaud Colson, Dominique Fanuel-Barret
- Œil et peau chez le chien et le chat : comment reconnaître et diagnostiquer les maladies générales
Émilie Vidémont, Didier Pin
- Conduite thérapeutique - Comment utiliser les corticoïdes en ophtalmologie
Guillaume Cazalot

FÉLINE
- Œil et affections de l'appareil respiratoire supérieur chez le chat : diagnostic et traitement
Hélène Arnold-Tavernier

RUBRIQUES
- Geste et technique - L’injection sous-conjonctivale en ophtalmologie vétérinaire
Hélène Arnold-Tavernier
- Situations particulières en anesthésie - Comment prendre en charge un chien avec une sténose aortique Baptiste Mester, Delphine Holopherne-Doran

FMCvét - formation médicale continue vétérinaire
- Revue de presse internationale - Notre sélection d’articles par Colette Arpaillange, Arnaud Colson, Julien Debeaupuits
- Cancérologie - Prévalence du provirus leucémogène félin lors de lymphome
- Respiratoire - Anomalies pulmonaires chez le chien lors de leptospirose
- Neurologie - Comparaison clinique entre l’épilepsie primaire et secondaire chez 125 chats
- Respiratoire - Utilisation de la propentofylline dans les affections bronchiques chez le chat : étude contrôlée et randomisée

Test clinique - Les réponses