L’articulation synoviale doit répondre à une double fonction de maintenir les os en présence tout en autorisant des mouvements relatifs entre eux. Avec le passage du membre porteur des tétrapodes inférieurs au membre propulseur, cette double contrainte s’est trouvée exagérée chez les Mammifères. L’articulation a dû gagner en complexité pour répondre au défi d’un fonctionnement intense de toute une vie. Les articulations elles-mêmes n’y résistent pas toujours, notamment du fait de l’âge, dans un processus qui peut s’installer à bas bruit mais qui demeure toujours douloureux et handicapant pour le sujet comme le rapporte Didier Fau à propos du chat (“
L’arthrose chez le chat aujourd’hui”).
L’articulation est alors le siège d’une atteinte chronique, l’arthrose, qui entraîne peu à peu la destruction de son cartilage. Cette affection est définie généralement par la lésion du cartilage qui, du fait de ses qualités élastique et résistante protège l’os qu’il recouvre et qui participe par son comportement tribologique à la mobilité articulaire avec un minimum de frottement. En cas d’arthrose, si le cartilage perd ses qualités d’origine, l’affection ne se limite pas toutefois à cette seule composante de l’articulation, la plaque sous-chondrale, la capsule et les ligaments, la membrane et le liquide synoviaux sont altérés.
Cette définition de l’arthrose comme une affection du cartilage s’explique aussi par un diagnostic souvent radiographique, associé à des lésions ostéo-chondrales mais le processus est en oeuvre bien avant que le cartilage ne présente des altérations visualisées par l’imagerie, comme le rapportent Caroline Boulocher et Yves Henrotin (“
Les nouveautés sur les biomarqueurs de l’arthrose chez le chien”). La biologie moléculaire offre des perspectives d’un diagnostic beaucoup plus précoce autorisant une intervention avant que ne soient installées des lésions à ce jour très difficiles à traiter.
Les traitements sont en général classés suivant leur action sur les deux mécanismes qui concourent principalement à entretenir et à aggraver l’arthrose : la dégénérescence du cartilage et l’inflammation. Il s’agit soit de protéger ou de réparer le cartilage à l’exemple des interventions chirurgicales proposées par Véronique Livet, Caroline Boulocher et Thibaut Cachon (“
Le traitement chirurgical de l’arthrose”) soit de lutter contre l’inflammation et la douleur comme le préconise Stéphane Junot (“
La prise en charge de la douleur arthrosique”). Cette approche différencie ce qui est du ressort de la mécanique articulaire et de ce qui relève de sa biologie.
Les derniers acquis sur l’articulation et sur sa physiopathologie montrent que la chimie et la physique de l’articulation sont indissociables. Par exemple, le liquide synovial, sur lequel Caroline Boulocher et Adeline Decambron mettent l’accent (“
Recherche - Diagnostic et traitement de l’arthrose : qu’appporte le liquide synovial ?”), acquiert ses qualités rhéologiques, du fait d’une organisation physique en micelles multicouches permise par sa composition chimique, et acquise dans l’environnement contraint de l’interligne articulaire.
On peut espérer que les futurs traitements de visco-supplémentation mimeront ce fonctionnement à l’image d’un roulement à bille. Il reste toutefois encore à mieux définir comment la composition et la structuration du liquide influencent les qualités d’élasticité, de résistance et de glissement du cartilage, tant pour ses couches superficielles qu’il baigne et qu’il contraint, que pour des couches plus profondes qu’il va imbiber et qui concourent à protéger la plaque osseuse sous-chondrale. Si l’on veut réparer le cartilage, il est nécessaire de reconstituer un environnement chimique et mécanique qui oriente vers une différenciation d’un néo-cartilage articulaire, seul capable de faire retrouver toute sa fonctionnalité à l’articulation.
Si la thérapie cellulaire ne satisfait pas pleinement à cet espoir de régénération, cela s’explique probablement par l’exposition des cellules souches injectées à un environnement physique et chimique défavorable. Le défi est maintenant de travailler pour offrir un cadre qui oriente vers la différenciation cellulaire attendue.
Ce cadre sera sûrement offert grâce à l’approche multimodale du traitement de l’arthrose qui associe dès à présent le médecin, le chirurgien, le physiothérapeute et le nutritionniste et des généticiens et dans laquelle chacun des acteurs joue un rôle plus complexe qu’on ne l’imaginait. A titre d’exemple, la physiothérapie et une bonne hygiène alimentaire que promeuvent Delphine Cléro, Artem Rogalev et Dominique Grandjean (“
Traitement hygiénique de l’arthrose : place de la physiothérapie”) s’opposent certes à la prise de poids qui aboutit à une sollicitation excessive des articulations porteuses ; elles vont aussi à l’encontre du développement des adipocytes auxquels on reconnaît maintenant la capacité de secréter des médiateurs de l’inflammation, source de douleur, et en conséquence, d’inactivité locomotrice elle-même favorisant la prise de poids et l’arthrose.
Face à cette affection complexe, la recherche a apporté des connaissances qui ont permis au praticien de développer des moyens diagnostiques et curatifs nouveaux plus performants ; elle offre des perspectives qui permettraient d’aller au delà de la prise en charge symptomatique pour une véritable régénération de l’articulation. ❒