chirurgie
LA TECHNIQUE D’AVANCEMENT DE LA TUBÉROSITÉ TIBIALE
POUR LA STABILISATION
DE LA RUPTURE DU LIGAMENT CROISÉ ANTÉRIEUR CHEZ LE CHIEN :
technique chirurgicale, premiers résultats,
et complications chez 101 chiens
POUR LA STABILISATION
DE LA RUPTURE DU LIGAMENT CROISÉ ANTÉRIEUR CHEZ LE CHIEN :
technique chirurgicale, premiers résultats,
et complications chez 101 chiens
Objectif de l’étude ❚ Décrire la technique chirurgicale, les premiers résultats et les complications de la technique d’avancement de la tubérosité tibiale effectuée sur des chiens atteints de rupture du ligament croisé antérieur. |
Veterinary Surgery 2007;36(6):573-86 Tibial Tuberosity Advancement for Stabilization of the Canine Cranial Cruciate Ligament-Deficient Stifle Joint: Surgical Technique, Early Results, and Complications in 101 Dogs Lafaver S, Miller NA, Stubbs WP, Taylor RA, Boudrieau RJ. |
Synthèse par Mickaël Verset, maître de conférences associé, Service de Chirurgie, E.N.V.T.
● La rupture du ligament croisé antérieur (R.L.C.A.) conduit à des forces anormales appliquées sur le grasset, induisant l’apparition progressive d’arthrose.
● L’ostéotomie de nivellement du plateau tibial (T.P.L.O.) est une technique de stabilisation dynamique du grasset à l’appui*.
Plus récemment, l’avancement de la tubérosité tibiale (T.T.A.) a été décrite.
Matériel et méthodes
● Suite au diagnostic de 114 ruptures du ligament croisé antérieur (R.L.C.A.), 101 chiens ont été opérés avec la technique d’avancement de la tubérosité tibiale (T.T.A.). Les commémoratifs ont été consignés. Les complications per- et post-opératoires ont été notées et qualifiées de mineures ou, majeures suivant la nécessité de réintervenir chirurgicalement.
● La planification et la technique chirurgicale sont celle de Guerrero et coll. Elles nécessitent une radiographie latérale du grasset à 135° sans tiroir crânial. Cela permet de déterminer la distance d’avancement de la tubérosité tibiale nécessaire à l’obtention d’un tendon patellaire perpendiculaire à la pente tibiale (3, 6, 9 ou 12 mm) et la taille de la plaque permettant de recouvrir l’ensemble de la crête tibiale.
● Après exploration et toilette articulaire (par arthrotomie ou arthroscopie), un abord de la diaphyse proximale tibiale médiale est réalisé.
- La crête tibiale est percée grâce à un guide de percée spécifique. Une ostéotomie de la crête tibiale, bicorticale distalement et monocorticale proximalement, est effectuée.
- La plaque de T.T.A. est mise en place et sa partie proximale fixée par impaction d’une "fourchette" dans les trous de la crête tibiale.
- L’ostéotomie est achevée et la crête tibiale est avancée crânialement et maintenue en position à l’aide d’une cage sécurisée par deux vis.
- La partie distale de la plaque est vissée dans le tibia. Le site d’ostéotomie reçoit une auto- ou une allogreffe.
● Un contrôle du grasset, clinique et radiographique (évaluation du temps nécessaire à la consolidation) a été réalisé, puis un suivi téléphonique ultérieur.
Résultats
● Des complications sont apparues dans 31,5 p. cent des cas.
- Des complications majeures sont relevées dans 12,3 p.cent des cas, incluant lésion méniscale, fracture tibiale, rupture d’implant, arthrite septique, granulome de léchage et luxation patellaire médiale. Toutes ont été traitées avec succès.
- Des complications mineures sont notées dans 19,3 p.cent des cas, incluant lésion méniscale, fracture parcellaire non déplacée de la tubérosité tibiale proximale, rupture d’implant, défaut de minéralisation du site d’ostéotomie, infection superficielle. Toutes ont été résolues sauf deux.
- Le temps moyen de consolidation radiographique est de 11,3 semaines. Le contrôle clinique, validé chez 93 chiens sur un temps moyen de 13,5 semaines post-opératoire, montre une absence de boiterie (74,5 p. cent des cas), une boiterie mineure (23,5 p. cent), modérée (2 p. cent) ou sévère (1 p. cent).
Tous les propriétaires sont satisfaits de la T.T.A., sauf deux, et 83,1 p. cent rapportent une amélioration notable ou un retour au statut avant la R.L.C.A.
Discussion
● La technique d’avancement de la tubérosité tibiale (T.T.A.) se fonde sur un modèle mécanique du genou canin et humain en phase d’appui. La force de cisaillement antéro-postérieure fémoro-tibiale est nulle lorsque l’angle entre l’axe du tendon patellaire et la pente tibiale est de 90°, d’où le concept de la T.T.A., qui vise à modifier l’axe du tendon patellaire.
● Le temps moyen nécessaire à la consolidation radiographique pourrait être inférieur si certains chiens revus pour radiographie de contrôle étaient revenus plus tôt après la chirurgie (9,4 au lieu de 11,3 sem si ces animaux sont éliminés).
● La nécessité d’une 2e chirurgie comme critère de distinction entre complications mineures et majeures est un critère objectif mais sans pertinence clinique (ex : parage chirurgical d’une plaie de léchage considéré comme complication majeure).
● En utilisant l’importance clinique comme critère, les taux varient peu et sont comparables aux études cliniques sur la Tibial Plateau Levelling Osteotomy (T.P.L.O.).
● Les complications liées à la technique opératoire (fractures tibiales et ruptures d’implant), survenues sur les 10 premiers cas opérés, peuvent être minimisés au fur et à mesure que le chirurgien acquiert de l’expérience.
● Les lésions méniscales détectées après la chirurgie initiale peuvent provenir d’un défaut de détection per-opératoire (peu probable vu la similitude des taux de lésions détectées pendant la chirurgie avec ceux issus d’autres études) ou, plus probablement, d’une apparition post-opératoire liée aux modifications des contraintes biomécaniques appliquées sur le genou opéré. Cela a conduit à réaliser des relâchements méniscaux, comme lors de T.P.L.O., sur 22 genoux, sur lesquels aucune lésion méniscale ultérieure associée n’est rapportée. Une étude des effets du relâchement méniscal, plus large et sur une plus grande durée, est souhaitable.
● Les taux d’infection sont dans les normes admises. Le défaut de minéralisation est attribué à un type d’allogreffe osseuse utilisée.
● Les propriétaires possédant des animaux déjà opéré d’une R.L.C.A. avec d’autres techniques que la T.T.A. ont l’impression d’une récupération plus rapide et facile, mais ceci est subjectif et ils n’ont pas de recul sur les différentes techniques disponibles.
● Les limites de l’étude sont celles d’une étude rétrospective, avec l’absence de mesures objectives de performance après réalisation de la T.T.A., et une durée du suivi assez courte.
Conclusion
● La T.T.A. est une méthode alternative à la T.P.L.O. Elle présente un bon, voire un excellent pronostic fonctionnel.
● Des études cliniques sur une durée plus longue, avec suivi clinique objectif et radiographique sont nécessaires. ❒
NOTE
* cf. l’article “L’ostéotomie du pateau tibial chez le chien”
de E. Pujol et B. Bouvy,
LE NOUVEAU PRATICIEN vétérinaire canine-féline 2007;35:295-7.
Modifié le: lundi 26 août 2013, 12:16