parasitologie
COMPARAISON ENTRE UNE DOSE UNIQUE DE MOXIDECTINE ET UNE CURE
DE 5 JOURS DE FENBENDAZOLE
pour réduire et supprimer le comptage d’œufs de cyathostomes
dans un troupeau de juments receveuses pour le transfert d’embryon
Objectifs de l'étude ❚ Comparer l’efficacité de deux molécules reconnues pour le traitement de la cyathostomose larvaire (moxidectine et fenbendazole). |
Journal of the American Vet Med Assoc 2014;245(8):944-51 Comparison of a single dose of moxidectin and a five-day course of fenbendazole to reduce and suppress cyathostomin fecal egg counts in a herd of embryo transfert-recipient mares. Mason ME, Voris ND, Ortis HA, Greeding AA, Kaplan RM. |
Synthèse par Camille Pinson, Vetagro Sup Lyon et Pascale Durand, ENV Toulouse
● Les cyathostomes sont les parasites internes les plus répandus et les plus importants chez le cheval adulte, au détriment des grands strongles, en raison de l’utilisation répandue des nouveaux anthelminthiques ces 40 dernières années.
● L’utilisation intensive ou abusive d’anthelminthiques a amené l’émergence de résistances face à certaines classes de produits (benzimidazoles, tetrahydropyrimidines).
Comme ces résistances deviennent héréditaires et permanentes, des stratégies doivent être mises en place pour atténuer leurs effets et sur- tout limiter leur apparition.
● Alors que la plupart des vermifuges sont effica- ces contre les cyathostomes adultes, seuls les protocoles à base de moxidectine en dose unique ou de fenbendazole sur 5 jours sont utilisés et autorisés chez le cheval contre les larves enkystées de cyathostomes.
L’infection par ces petits strongles peut avoir de graves conséquences cliniques alors que leur contrôle reste un défi en raison de l’existence de nombreuses résistances aux anthelminthiques, de la forte exposition des chevaux aux parasites ainsi que de la présence de formes larvaires enkystées.
Sujets, matériel et méthode
● Cette étude réalisée avec le soutien du labora- toire Zoetis, porte sur 120 juments porteuses, âgées de 2 à 14 ans, et se déroule entre juin et octobre 2013. Les juments utilisées sont issues des diverses régions des États-Unis (E.U.), et représentent ainsi une population parasitaire large et hétérogène.
● De plus, elles n’ont pas été exposées à un traitement anti-parasitaire à base de moxidectine ou de fenbendazole avant cette étude, ce qui exclut une éventuelle pression de sélection de résis- tance de leurs parasites. Elles sont en effet arri- vées en moyenne plus de 6 mois avant le début de l’étude. Depuis leur arrivée, elles ont reçu uniquement de l’ivermectine (200 μg/kg) tous les 2 à 3 mois, dont la dernière administration date de 12 semaines. Ainsi, l’efficacité des molécules tes- tées sur tous ces chevaux est représentative des populations de cyathostomes rencontrées aux E.U.
● La collecte des matières fécales se fait par palpation transrectale. Les échantillons sont ensuite envoyés pour comptage du nombre d’œufs par gramme de fèces (OPG) via la technique de MacMasters modifié à l’“University of Georgia College of Veterinary Medicine Department of Infectious Diseases”.
● Tous les échantillons de l’étude récoltés avant le traitement, puis à J14, J45, J90 après le traitement anthelminthique sont ainsi pris charge.
● À la suite du premier échantillon (avant traitement), 38 juments sont retirées de l’étude (OPG < 200 œufs/g).
● La population traitée prend en compte les 82 juments restantes avec un OPG > 200 œufs/g, elle est sous-divisée en deux groupes de 41 juments chacun.
- Le groupe 1 reçoit une unique dose de moxi- dectine (0,4 mg/kg, PO) ;
- le groupe 2 reçoit du fenbendazole 5 j (10 mg/kg, PO toutes les 24 h).
Résultats
● Les résultats obtenus montrent que le nombre d’OPG est significativement plus bas dans le groupe traité avec de la moxidectine à J14, J45 et J90 que celui traité avec du fenbendazole.
En effet, si on se base sur la moyenne arithmétique, une seule dose de moxidectine est 99,8 p. cent plus efficace que 5 j de traitement au fenbendazole pour réduire le nombre d’OPG à J14. Les résultats sur l’efficacité relative des deux larvicides sont similaires à 45 et 90 jours post-traitement.
● De même, le traitement à base de moxidectine est 90,6 p. cent plus efficace que le traitement au fenbendazole pour ce qui est de la suppression des OPG à J45 et 75 p. cent plus efficace à J90.
L’échec du traitement au fenbendazole, mis en évidence par une diminution de l’excrétion d’œufs de seulement 41,9 p. cent à 14 jours (soit un important taux de survie des adultes) est attribué à la résistance des cyathostomes à cette molécule. Dans ce groupe, 45 jours après traitement, le nombre moyen d’œufs excrétés est même supérieur au nombre moyen avant vermifugation et surtout, 10 fois supérieur à celui du groupe traité à la moxidectine au même moment.
● Dans le groupe moxidectine, le nombre moyen d’œufs excrétés reste inférieur à celui avant traitement pendant toute la durée d’observation.
Discussion et conclusion
De nos jours, le contrôle des larves enkystées est l’un des points clés permettant le contrôle des parasites équins. En effet, ils représentent une menace pour la santé équine lors de lourde infestation parasitaire, et un risque au niveau de la biosécurité car les chevaux atteints servent de réservoir pour transmettre des vers résistants.
● Quand les adultes et les larves sont correctement éliminés, l’excrétion des œufs est étroitement corrélée à la période prépatente, soit 42 à 84 jours pour les cyathostomes.
D’après ces résultats, il y a donc une élimination plus grande de la charge totale des cyathostomes chez les juments traitées à la moxidectine qu’au fenbendazole.
● Cependant, il n’y existe pas de relation linéaire directe entre le nombre d’œufs excré- tés et la charge parasitaire des chevaux. Puisque les benzimidazoles n’ont jamais été utilisés dans cette écurie, la résistance au fenbendazole n’a pas pu être sélectionnée sur le site de l’étude. L’échec du traitement au fenbendazole laisse supposer que la population de cyathostomes infestant le troupeau de l’étude était déjà résistante et puisque le cheptel utilisé provenait de 21 États différents aux États-Unis, cette population de parasites semble représentative de celle des États-Unis, ce qui a permis d’extrapoler ces résultats à l’ensemble du pays.
● Cette étude sert aussi de rappel concernant l’utilisation raisonnée des antiparasitaires. En effet, même si la moxidectine apparaît comme significativement plus efficace, en ce qui concerne la réduction et la suppression du nombre d’œufs dans les matières fécales comparée au fenbendazole, celle-ci doit être utilisée de manière stratégique et réfléchie afin de conserver son efficacité larvicide, puisque la durée de réapparition des œufs dans les fèces (période prépatente) actuelle est plus courte que lorsque la molécule a été introduite sur le marché.
● Il convient ainsi de diminuer le recours abusif aux anthelminthiques en favorisant l’utilisation d’antiparasitaire possédant une forte efficacité sur un parasite ciblé. Ceci permettrait de diminuer la transmission parasitaire ainsi que la pression de sélection pour le développe- ment de résistances tout en favorisant de manière durable le contrôle des nématodes. ❒
Modifié le: jeudi 6 août 2015, 14:02