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dermatologie / locomoteur


LA MALADIE DE MORTELLARO :
des différences importantes entre les profils bactériens d’une peau :
saine, avec lésions actives, et inactives


Objectifs de l'étude
Caractériser les microbiomes respectifs d’une peau saine
et d’une peau avec lésions
de dermatite digitale,
à chaque stade lésionnel et pour différentes profondeurs.
Investiguer le rôle du tube digestif comme réservoir des bactéries impliquées.

uPLoS ONE
10(3): e0120504. doi:10.1371/journal.pone.012 0504
Altered microbiomes in bovine digital dermatitis lesions, and
the gut as a pathogen reservoir.

Zinicola M, Lima F, Lima S, Machado V, Gomez M, Döpfer D








Synthèse par Guillaume Catays et Nicolas Herman ENV Toulouse.



La Dermatite digitale (communément appelée Maladie de Mortellaro) est la maladie infectieuse à l’origine de boiteries la plus répandue dans le monde. Elle provoque des pertes économiques importantes : augmentation des réformes, baisse de production laitière, baisse des performances de reproduction, etc.
Cette maladie affecte plus d’un quart des troupeaux en Europe et aux États-Unis. Malgré cela, les bactéries impliquées à chaque stade de la maladie, leur source et la pathogenèse restent méconnues.
On distingue en effet plusieurs stades lésionnels que l’on peut classer en deux sous-catégories : les lésions actives et les lésions inactives.
Dans cette étude, les auteurs ont distingué les lésions de la façon suivante :
- M1 : petite lésion ulcérative précoce non douloureuse de moins de 2 cm de diamètre ; lésion active ;
- M2 : lésion ulcérative douloureuse de plus de 2 cm de diamètre ; lésion active ;
- M3 : lésion guérie, cicatrisée avec éventuellement une croûte ; lésion inactive ; - - M4 : lésion chronique, non douloureuse, avec troubles de la kératogenèse et notamment hyperprolifération ; lésion inactive ;
- M4.1 : lésion chronique évolutive = M4 avec une nouvelle ulcération, lésion active.
Un groupe de Tréponèmes (Spirochètes), présent physiologiquement dans le tube digestif, a été associé à des lésions actives de maladie de Mortellaro. La présence de Candidatus amoebophilus asiaticus, bactérie jamais identifié auparavant, a été démontrée.

Matériels et méthodes

- Cette étude est menée sur un échantillon de 140 biopsies de peau (89 de peaux lésées à différents stades (catégories lésions actives et lésions inactives) et 51 de peaux saines), prélevées sur les mêmes 89 vaches avec lésions. Ces vaches sont issues de trois troupeaux infectés.
Chaque échantillon a été divisé en une partie superficielle et une partie profonde. Quatorze échantillons fécaux et huit échantillons ruminaux ont été prélevés en parallèle sur des vaches en lactation prises au hasard dans les trois troupeaux.
- Des analyses ADN ont été réalisées : extraction, amplification par PCR, séquençage nouvelle génération, tri et identification des séquences par comparaison à une banque de données.
- Des analyses statistiques ont été effectuées : pour un échantillon donné et pour une profondeur donnée, un calcul des abondances relatives de chaque bactérie ou chaque embranchement bactérien et un cal- cul du Chao1 index, estimateur de diversité microbienne ont été faits. Ces différentes données ont été comparées et croisées grâce à des modèles linéaires généralisés et à une analyse discriminante.

Résultats

Comparaison globale : des microbiomes ont bien été différenciés (types de bactérie et nombre) entre peau saine, lésions actives et lésions inactives.
● Embranchement majoritaire : Spirochaetae associés à des lésions actives, peau saine et lésions inactives dominées par les embranchements Firmicutes et Actinobacteria.
Bactéries majoritaires : un groupe de six Tréponèmes a été fortement associé à des lésions actives. La bactérie Candidatus amoebophilus asiaticus présente en grand nombre sur lésions actives et inactives.
Diversité microbienne : celle-ci est importante pour une peau saine, elle est en revanche faible pour des lésions actives.
Profondeur : aucune différence significative n’a été notée, sauf pour la bactérie Candidatus amoebophilus asiaticus, plus présente dans les strates superficielles sur lésions actives.
Pathogenèse : association forte entre les six Tréponèmes, présence concomitante, modèle polymicrobien.
Tube digestif : groupe de Tréponèmes : 6/6 retrouvés dans échantillons fécaux, 4/6 dans échantillons ruminaux.

Discussion

De nombreux résultats sont en accord avec la littérature, en particulier le rôle prépondérant joué par les Tréponèmes dans le développement des lésions. Le rôle pathogène de Candidatus amoebophilus asiaticus, symbionte intracellulaire des Amibes, doit faire l’objet d’investigation complémentaires dans des études ultérieures.
Cette étude souffre néanmoins de l’absence d’échantillons issus de troupeau témoin sans maladie de Mortellaro, notamment pour confirmer ou infirmer la présence des Tréponèmes dans le tube digestif de vaches saines. Cette information permettrait de renforcer ou, inversement, de nuancer les rôles de la conduite d’élevage et du bâtiment dans le développement de la maladie.

Conclusion

Cette étude confirme et renforce le rôle des Tréponèmes dans la maladie de Mortellaro. Leur présence dans le tube digestif est pour la première fois objectivée.
Le développement de la maladie semble nécessiter la présence concomitante de plusieurs Tréponèmes : modèle polymicrobien.
Cette étude est la première à noter la présence et l’implication possible d’une nouvelle bactérie dans cette maladie : Candidatus amoebophilus asiaticus.
Modifié le: jeudi 9 juin 2016, 12:15