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COMPARAISON DES SIGNES CLINIQUES ET DE L’ÉVOLUTION
associés aux myélopathies ischémiques et aux extrusions discales aiguës
non compressives chez le chien

Objectifs de l’étude

Mettre en évidence les différences
de présentation clinique entre les deux entités (sur la base d’un diagnostic présumé) et confirmer
que leur pronostic,
à long terme, ne diffère pas.

JAVMA.
2016;249(7)
Comparison of clinical signs
and outcomes between dogs
with presumptive ischemic
myelopathy and dogs with acute
noncompressive nucleus pulposus extrusion

Joe Fenn, Randi Drees,
Holger A. Volk, Steven De Decker









Synthèse par Nicolas Soetart, Assistant Hospitalier en Médecine Interne à Oniris-Nantes



La myélopathie ischémique ("embolie fibro-cartilagineuse") et l'extrusion discale aiguë non compressive ("hernie discale de type III" ou de haute vélocité et de faible volume") sont deux affections médullaires dont la présentation clinique est similaire (déficits nerveux médullaires d'apparition suraiguë, non progressifs, parfois sans douleur associée).
Le diagnostic de certitude des deux entités est basé sur l’analyse histologique des lésions (rarement disponible).
Le but de l'étude est de mettre en évidence les différences de présentation clinique entre les deux entités (sur la base d’un diagnostic présumé) et de confirmer que leur pronostic, à long terme, ne diffère pas.

Matériel et méthodes

Les chiens ont été recrutés entre novembre 2009 et décembre 2013 au Royal Veterinary College de Londres.
Il s'agit de chiens présentés pour des déficits nerveux médullaires d'apparition aiguë et non progressifs pendant les premières 24 heures. Les animaux ont été inclus si une hypothèse consensuelle de myélopathie ischémique ou d'extrusion discale non compressive a été émise par un vétérinaire neurologue et un vétérinaire radiologue, sur la base des images d'IRM relues à l’aveugle par les deux spécialistes.
Les données cliniques ont été évaluées à l’admission, puis 4 semaines plus tard.
Un suivi téléphonique à plus long terme (> 3 mois après la présentation initiale) a ensuite été entrepris.

Résultats


Dans cette étude, 93 chiens ont été inclus : 51 pour une myélopathie ischémique et 42 pour une extrusion discale. Les chiens atteints d’extrusion discale étaient significativement plus vieux que les chiens atteints de myélopathie ischémique (7,0 ans vs 5,9 ans, P = 0,033).
Signes cliniques : Une vocalisation à l’apparition des signes cliniques et une douleur rachidienne mise évidence à la consultation initiale étaient les deux signes cliniques significativement en faveur d’une extrusion discale (P = 0,003 et P = 0,015 respectivement).
Les extrusions discales ont significativement plus touché le segment C1-C5 alors que les myélopathies ischémiques ont significativement plus intéressé le segment L4-S3 (P = 0,005).
Concernant les autres segments médullaires, les deux affections ont été retrouvées à des fréquences comparables et le segment T3-L3 était le plus souvent touché.
Les autres variables cliniques observées (poids du chien, condition d’apparition, progression des signes cliniques, traitement mis en place avant la consultation (AINS, corticoïdes), symétrie de l’atteinte neurologique, intensité des signes cliniques) ne différaient pas entre les deux groupes de chiens.
Évolution à court et long terme :
Dans les 12 jours qui ont suivi le diagnostic, sept chiens ont été euthanasiés (cinq immédiatement après le diagnostic).
A court terme, les chiens atteints d’extrusion discale avaient environ 3 fois plus de chance d’être ambulatoires à leur sortie de l’hôpital comparés aux chiens atteints de myélopathie ischémique (P = 0,02). Néanmoins l’intensité des déficits neurologiques au contrôle à 4 semaines ne différait pas entre les deux groupes de chien.
À plus long terme, 21 chiens ont montré une évolution défavorable, sans que l’affection causale n’ait eu d’influence significative.
Concernant les séquelles au long terme, l’incontinence fécale (partielle ou complète) a significativement concerné plus de chiens atteints de myélopathie ischémique que de chiens atteints d’extrusion discale.
Tous les propriétaires de chiens (exceptés ceux dont les chiens ont été euthanasiés) considéraient que leur chien avait une qualité de vie satisfaisante, indépendamment de l’atteinte médullaire au diagnostic (score médian de 8/10 ; min. 5 - max. : 10).

Discussion

La différence d’âge entre les deux groupes peut trouver son explication dans la physiopathologie. En effet, le vieillissement s’accompagnerait de changement dans la microstructure et la biomécanique de l’anneau fibreux du disque intervertébral. Ce dernier serait plus fragile et favoriserait l’extrusion de noyau pulpeux en cas de stress mécanique intense.
Les chiens ont été plus nombreux à manifester des signes de douleur (vocalisation, douleur à la palpation du rachis) lors de la survenue d’une extrusion discale. Cela peut s’expliquer par le traumatisme causé par la progression rapide du matériel discal à travers les méninges, le périoste et le ligament longitudinal dorsal, qu’on ne retrouve pas lors de lésions exclusivement ischémiques.
La variation des forces biomécaniques expliquerait la localisation préférentielle des extrusions discales aux régions les plus mobiles (C1-C5 et T3-L3), bien que la région thoraco-lombaire soit également une zone où la fréquence des myélopathies ischémiques est importante.
Les auteurs expliquent la proportion plus importante de chiens incontinents fécaux chez ceux atteints de myélopathie ischémique, car cette dernière touche de préférence les zones centrales et dorsales de la moelle épinière où se situent les voies sensorielles rectales, contrairement aux lésions consécutives aux extrusions discales qui se situent surtout dans les portions latérales et ventrales de la moelle épinière.
Les principales limites de l’étude découlent de son caractère rétrospectif (absence de standardisation, notamment des évaluations cliniques). De plus, le diagnostic définitif (via l’examen post-mortem de la moelle épinière) n’a jamais été possible. Toutefois, les critères IRM et la méthode de sélection (avis consensuel entre neurologue et radiologue) limitent les risques d’erreur diagnostique.

Conclusion

Les extrusions discales aiguës non compressives semblent plus souvent associées à une douleur rachidienne au moment de la consultation initiale et touchent des animaux plus âgés que les myélopathies ischémiques. Si les animaux atteints d’extrusion discale semblent récupérer plus vite (ambulatoires à leur sortie de l’hôpital), leur qualité de vie au long terme ne diffère de celle des chiens atteints de myélopathie ischémique.
Toutefois, cette étude rapporte une prévalence d’incontinences fécales (partielles ou totales) plus importante chez les chiens atteints de myélopathie ischémique.
Modifié le: mercredi 14 décembre 2016, 15:16