uro-néphrologie / chirurgie
CYSTECTOMIE TOTALE ET URETÉROSTOMIE CUTANÉE
chez 4 chiens atteints de carcinome transitionnel de la vessie :
description de la technique chirurgicale et série de cas
Objectif de l'étude ❚ Décrire une nouvelle technique chirurgicale qui pourrait être proposée comme traitement des carcinomes transitionnels de la vessie chez le chien. |
Veterinary Surgery Ricardo Huppes R, Crivellenti LZ, Barboza De Nardi A, Roque Lima B, Alves Cintra C, Luiz Costa Castro J, Adin CA |
Synthèse par Tiphaine Le Berre, Clinique vétérinaire de l’Europe 44210 Pornic
● Le carcinome transitionnel de la vessie est la tumeur maligne la plus fréquente du bas appareil urinaire chez le chien. Actuellement, différentes options thérapeutiques, chirurgicale ou médicale, sont possibles.
Le traitement chirurgical consiste en une cystectomie partielle. Elle peut être associée à une radiothérapie ou à un traitement médical (chimiothérapie ou utilisation du piroxicam, un anti-inflammatoire anti-COX2, avec la mitoxantrone).
● De nouvelles techniques chirurgicales ont été mises au point pour traiter les cancers de la vessie chez l’homme, et ont été testées chez le chien. Le gold standard consiste en une cystectomie totale et en une ablation des nœuds lymphatiques pelviens. Différentes options existent pour drainer les urines. Celle choisie dans cette étude consiste en une uretérostomie cutanée.
Matériel et méthodes
● L’étude réalisée au Brésil porte sur 4 chiens de race, de sexe et d’âge différents chez lesquels il est mis en évidence une tumeur au niveau du trigone vésical par échographie ou par urétrocystographie.
Le diagnostic de carcinome est établi grâce à une analyse histopathologique de biopsies. Les 4 chiens présentent par ailleurs des hydrouretères bilatéraux et une hydronéphrose.
● Des radiographies thoraciques sont réalisées pour chaque animal pour vérifier l’absence de métastase pulmonaire, motif d’exclusion de l’étude.
● Des bilans hématologiques, biochimiques et urinaires sont réalisés. Un seul des chiens présente une urémie et une créatininémie légèrement supérieures aux valeurs usuelles (respectivement 75 mg/dl et 2,5 mg/dl). Chaque chien reçoit un traitement au piroxicam (0,5 mg/kg/jour) durant les 30 jours précédant l’intervention chirurgicale, dans le but de réduire la taille de la tumeur.
● Une laparotomie par la ligne blanche est réalisée. Les uretères sont dégagés et sectionnés à 5 cm du trigone vésical pour espérer obtenir des marges saaines. Une tunnellisation des uretères est effectuée pour les faire aboucher sur la peau, latéralement au muscle droit de l’abdomen. Puis, l’ablation de la vessie, de l’extrémité distale des uretères et de l’extrémité proximale de l’urètre est réalisée. Pour les deux chiens mâles, l’intervention comprend une prostatectomie. Les nœuds lymphatiques lombo aortiques sont retirés et soumis à une analyse histopathologique, de même que les extrémités des uretères et de l’urètre. La cavité abdominale est rincée à l’aide de solution saline, puis la paroi abdominale, le tissu sous-cutané et la peau sont suturés. Un cathéter en polychlorure de vinyle est mis en place dans chaque uretère, branché à un système de collecte fermé et stérile des urines, et est laissé à demeure durant 5 jours.
Par la suite, des couches absorbantes sont mises en place, et changées toutes les 8 à 12 h après un nettoyage soigné des abouchements à l’aide de solution saline et après l’application d’une pommade à l’oxyde de zinc et à la lanoline. Ceci est réalisé le restant de la vie des animaux.
● Un traitement antibiotique est prescrit pendant 10 à 14 jours. La durée du traitement anti-inflammatoire varie de quelques jours à plusieurs mois selon les animaux. Les fils sont retirés au bout de 15 jours.
● Un des chiens suit une chimiothérapie en postopératoire.
Résultats
● En postopératoire immédiat, on peut noter de l’œdème et de légères hémorragies aux sites d’abouchement, qui rétrocèdent spontanément au bout de quelques jours.
● Des bilans sanguins sont réalisés régulièrement, ainsi que des échographies de contrôle. Les animaux sont suivis jusqu’à la fin de leur vie, à l’issue de laquelle les propriétaires sont interrogés sur la qualité de vie de leur chien suite à l’intervention, et sur leur souhait de réitérer cet acte pour un autre animal si l’occasion se représentait.
● Deux des chiens sont euthanasiés suite à une propagation métastatique du carcinome : à 369 jours pour l’un suite à une atteinte pulmonaire, à 47 jours pour le second suite à une atteinte osseuse. Dans ces deux cas des cellules cancéreuses sont mises en évidence à l’analyse histopathologique des nœuds lymphatiques lombo aortiques.
Le 3e chien est euthanasié à 193 jours pour agressivité envers son propriétaire au moment des soins locaux, et le 4e meurt percuté par une voiture à 498 jours.
Discussion
● Ces 4 cas montrent des résultats encourageants pour cette technique chirurgicale.
● La radiothérapie ou la pose de stents uretéraux ne sont pas pratiqués de façon courante au Brésil. La déviation des urines est la seule option chirurgicale possible. Dans cette expérience, l’absence de stent n’a pas gêné l’évacuation des urines et a permis de réduire les suivis en postopératoire.
● La médiane de survie correspond à ce qui est observé avec un protocole de chimiothérapie ou un traitement à base de piroxicam et de mitoxantrone, mais ces chiens n’avaient pas réagi au piroxicam en préopératoire.
● Malgré tout, le faible nombre de cas ne permet pas d’évaluer précisément la durée de survie postopératoire, d’autant qu’un seul des chiens a suivi une chimiothérapie suite à l’intervention. De plus, les marges d’exérèse étaient par chance saines pour les 4 animaux, mais il serait bon d’affiner la méthode, par exemple par uroendoscopie, pour délimiter de façon précise les zones de section des uretères et de l’urètre. De plus, la présence de métastases aux nœuds lymphatiques lombo aortiques est un facteur pronostique négatif.
● En médecine humaine, il n’y a pas encore de consensus pour déterminer les indications à la cystectomie totale. En effet, seulement 10 à 30 p. cent des cancers de la vessie diagnostiqués à l’histopathologie évoluent en cancers invasifs.
● Dans cette étude, les chiens ont été choisis pour la localisation de la tumeur et l’installation progressive d’une dysurie et d’hydrouretères. La dilatation des uretères présente ici l’intérêt de rendre leur visualisation et leur suture faciles lors de l’intervention.
● En outre, la docilité du chien est primordiale pour les soins postopératoires, puisque des mesures hygiéniques sont nécessaires plusieurs fois par jour, l’incontinence étant permanente.
● Aucun examen cytobactériologique des urines n’a été réalisé en postopératoire compte tenu du risque de prélever des urines dans les uretères déviés. Aucune infection du tractus urinaire n’a été notée cliniquement ou dans les analyses sanguines.
Conclusion
● Une étude sur un plus long terme et sur un nombre plus élevé de chiens serait intéressante pour évaluer les effets de ce protocole chirurgical. ❒
Modifié le: mardi 18 avril 2017, 14:42