endocrinologie/nutrition
EFFET D’UN RÉGIME PAUVRE EN IODE
chez des chats avec un hyperthyroïdisme spontané
chez des chats avec un hyperthyroïdisme spontané
Objectif de l'étude ❚ Tester l’efficacité thérapeutique d’un régime pauvre en iode chez des chats hyperthyroïdiens. |
J Vet Intern Med 2015;29(4):1063-68 Effect of feeding an iodine-restricted diet in cats with spontaneous hyperthyroidism. PG Xenoulis, DL Zoran, GT Fosgate, JS Suchodolski, JM Steiner. |
Synthèse par Nicolas Soetart, Assistant hopitalier, Médecine Interne, Oniris, Nantes
● L’hyperthyroïdie est une maladie classiquement rencontrée chez le chat âgé.
Elle s’accompagne en général d’une perte de poids importante associée à une polyphagie, de signes gastro-intestinaux (diarrhée, vomissements) ou cardiaques (tachycardie).
Plusieurs traitements existent : le traitement à base de méthimazole, le traitement par l’iode 131 (131I) ou la thyroïdectomie.
● L’arrivée sur le marché d’aliments pauvres en iode vient s’ajouter à l’arsenal thérapeutique de l’hyperthyroïdie féline.
Matériels et méthodes
● Des chats diagnostiqués hyperthyroïdiens sur la base d’un dosage en thyroxine totale (T4) supérieur aux valeurs de référence et présentant des signes cliniques compatibles ont été recrutés rétrospectivement sur une période de 3 ans dans deux centres vétérinaires aux États-Unis.
● Les chats retenus étaient ceux dont le traitement comprenait uniquement un régime restreint en iode (Hill's® Prescription Diet® – y/d® Feline Thyroid Health). Les auteurs ont suivi le poids, la fréquence cardiaque, l’urémie et la créatininémie au cours du temps (1er suivi entre 20 et 60 jours, second suivi entre 61 et 181 jours) afin de mettre en évidence une réponse favorable au traitement.
Résultats
● Quarante-neuf chats ont été recrutés (22 femelles, 27 mâles, tous castrés), l’âge médian était de 12,8 ans [8,6-18,0]. Les signes cliniques les plus fréquents étaient : une perte de poids (61 p. cent), une PUPD (57 p. cent), une polyphagie (28 p. cent), une diarrhée et/ou des vomissements (26 p. cent).
● Le poids ni la fréquence cardiaque n’ont pas évolué significativement au 1er comme au 2e contrôle.
● Concernant l’évolution des paramètres biologiques, 45 p. cent des chats étaient isosthénuriques au diagnostic, dont 32 p. cent étaient azotémiques. Une diminution significative de l’urémie (de 29 mg/dL [13 - 75] à 26 mg/dL [16 - 68]) et de la créatininémie (de 1,8 mg/dL [0,4 - 4,9] à 1,5 mg/dL [0,4 - 3,3] a été notée entre le diagnostic et le 2e contrôle.
● La thyroxinémie totale était revenue dans les valeurs usuelles pour 42 p. cent des chats au 1ercontrôle et pour 83 p. cent des chats au 2e contrôle. Les chats dont la thyroxinémie était toujours élevée aux contrôles étaient de préférence ceux dont les valeurs étaient les plus élevées au diagnostic.
Discussion
● Cette étude elativise les effets thérapeutiques du régime pauvre en iode dans la gestion de l’hyperthyroïdie féline. Contrairement à une première publication (Van der Kooij M et coll, 2014) qui montrait que la diminution en T4 était associée à une amélioration clinique pour 75 p. cent des chats, on ne retrouve pas ici d’amélioration clinique significative selon les critères choisis (poids, fréquence cardiaque). D’après les auteurs cela pourrait être dû au fait que dans l’étude précédente, les chats n’était suivi que pendant 8 semaines (contre plus de 25 ici) et que la prise de poids était évaluée selon une échelle de condition corporelle et non en valeur absolue comme ici.
● Deux hypothèses principales sont avancées :
- malgré des valeurs de T4 normales, les chats resteraient physiologiquement hyperthyroïdien. Il faudrait pour l’explorer mesurer la fTSH, dosage dont la sensibilité des kits actuels ne permettrait pas de conclure.
- dans une population de chats âgés, les affections intercurrentes jouent un rôle non négligeable et pourraient expliquer que les animaux ne prennent pas de poids.
Toutefois que si aucune variation à la hausse n’a été mise en évidence, il n’y a pas non plus eu de baisse significative. Cela suggère que le régime suivi a permis une stabilisation des signes cliniques à défaut de les avoir améliorés.
● Les effets au long terme d’une alimentation pauvre en iode n’ont pour l’heure pas été étudiés. Il est, par exemple, décrit chez l’homme des échappements au traitement, car la carence chronique en iode favorise la séquestration de l’iode résiduel et la synthèse de T3. De plus, l’utilisation au long terme de ce régime pourrait favoriser l’apparition d’adénocarcinome thyroïdien. En effet, le traitement diététique (comme celui à base de méthimazole) n’est pas un traitement étiologique de l’hyperthyroïdie et les mécanismes pathologiques aboutissant à la sécrétion autonome d’hormones thyroïdiennes ne sont pas abolis, le régime pauvre en iode pourrait même agir comme promoteur de croissance du tissu thyroïdien et favoriser l’apparition de mutations génétiques.
● La diminution de la créatininémie et de l’urémie observée va à l’encontre de la physiopathologie de l’hyperthyroïdie. En effet, l’excès de T4 abouti à une augmentation de débit de filtration glomérulaire (DFG), ainsi la diminution de T4 liée au traitement devrait diminuer le DFG et donc potentiellement accentuer l’azotémie.
● Les hypothèses avancées sont que les chats resteraient physiologiquement hyperthyroïdiens et qu’ainsi, leur DFG resterait augmenté, ou que la seule mesure de la créatininémie ne serait pas assez sensible pour détecter des variations mineures du DFG ou encore que l’apport par l’alimentation d’oméga 3 et d’une quantité modérément restreinte en protéine aurait pu avoir un effet protecteur sur la fonction rénale.
Conclusion
● L’utilisation d’un régime pauvre en iode pour le traitement de l’hyperthyroïdie féline a permis la normalisation des valeurs de thyroxinémie totale dans la majorité des cas. Néanmoins aucune amélioration clinique significative, en termes de poids et de fréquence cardiaque, n’a pu être mise en évidence.
Le régime pauvre en iode a tout de même permis une stabilisation du poids.
● De nouvelles études prospectives comparant l’ensemble des traitements disponibles pour l’hyperthyroïdie ainsi qu’explorant les effets à long terme d’une carence en iode sont nécessaires. ❒Modifié le: mardi 18 avril 2017, 14:52