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Epidémio

épidémiologie


LES AMIBES LIBRES DE L'ENVIRONNEMENT PEUVENT HÉBERGER
LE BACILLE DE LA PARATUBERCULOSE


Objectif de l'étude
Évaluer le potentiel infectieux
chez Acanthamoeba castellanii
de plusieurs souches
de M. avium subsp. paratuberculosis.
Rechercher la présence
d’amibes infectées
dans l'environnement d’élevages bovins positifs.

Front Cell Infect Microbiol.
2018 Feb 9;8:28
Environmental Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis hosted by free living Amoebae
Samba-Louaka A, Robino E, Cochard T, Branger M, Delafont V, Aucher W, Wambeke W, Bannan- tine JP, Biet F, Héchard Y.








Synthèse par Xavier Nouvel



Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis (Map) ou bacille de Johne est l’agent étiologique de la Paratuberculose. Cette maladie qui entraîne une inflammation intestinale chronique chez les ruminants, a un lourd impact économique et sanitaire pour les élevages atteints.
M. avium subsp. paratuberculosis est excrétée dans le milieu extérieur et est capable d’y survivre. Son cycle dans l’environnement est cependant mal connu. Les formes libres d’amibes, protozoaires présents dans l'eau et dans le sol, sont décrites comme réservoirs bactériens environnementaux.
Plusieurs études suggèrent qu’elles pourraient constituer un réservoir de mycobactéries pathogènes. La capacité de survie de ces bactéries au sein des amibes serait corrélée à leur capacité à résister à la phagocytose des cellules immunitaires chez l’hôte.
Dans cette étude, les auteurs évaluent le potentiel infectieux chez Acanthamoeba castellanii (espèce la plus commune d’amibe libre) de plusieurs souches de M. avium subsp. paratuberculosis, y compris les deux principales lignées génétiques C (bovins) et S (ovins). Ils recherchent également la présence d’amibes infectées dans l'environnement d’élevages bovins positifs.

Matériels et méthodes

Des infections de cultures d’Acanthamoeba castellanii (par Map (MOI : 10 bactéries par amibe) sont réalisées en milieu liquide, une élimination des bactéries libres est réalisée par centrifugation et les cultures sont maintenues en présence d’amikacine (antibiotique actif contre Map) et analysées à différent temps par quantification de l’ADN bactérien Map par qPCR et dénombrement des amibes par comptage sur lame. Cinq souches de Map sont utilisées (trois souches C isolées de bovins : la souche de référence K10, les souches 205 et 7912 ; deux souches S isolées d’ovins : 397, 6796).
La localisation des bactéries au sein des amibes est visualisée par l’analyse de cultures infectées avec une souche recombinante de Map exprimant une protéine fluorescente (green fluorescent protein, GFP).
L’acidification des phagosomes est évaluée par pré-marquage des bactéries à l’ester de succinimidyl rouge pHrodo® et mesure de l’épifluorescence au microscope.
Des prélèvements d’1 litre d’eau de boisson ont été réalisés dans deux élevages bovins atteints de Paratuberculose depuis au moins 5 ans. Les prélèvements sont filtrés au travers d’une membrane de nitrocellulose de5μm.
Cette membrane est déposée sur boîte d’agarose ensemencée avec Escherichia coli K12 à 30°C pour isolement des amibes. Les boîtes sont observées quotidiennement au microscope à contraste de phase. La présence d’amibes est caractérisée par l’apparition d’un front de migration. Ce front est prélevé par raclage et une extraction d’ADN est réalisée. Les Map sont détectées par 2 qPCR (IS900 et F57), puis typées par MIRUVNTR. Les amibes sont identifiées par amplification et séquençage de l’ARN 18S.

Résultats

Les résultats indiquent que M. avium subsp. paratuberculosis est capable de persister, et même de se multiplier plusieurs jours chez l'amibe Acanthamoeba castellanii sans affecter sa croissance (au moins 72 h pour les cinq souches testées).
Les études de microscopie à fluorescence permettent de co-localiser Map au sein des amibes jusqu’à 7 jours après infection. L’utilisation d’un marquage fluorescent fonction du pH indique qu’au moins une fraction de Map se situe dans des vacuoles acides comme les phagosomes. Ceci suggère que Map est phagocytée par l’amibe et réside au moins de manière transitoire dans des phagosomes.
Sur les prélèvements d’eau réalisés dans deux élevages bovins atteints de paratuberculose, des amibes ont pu être isolées par culture dans un élevage. La recherche de Map sur l’ADN issu de cette culture d’amibes s’est révélée positive. Le typage de cette souche est identique à celle identifiée de fèces d’un bovin de l’élevage.
L’espèce de l’amibe isolée a été déterminée par amplification et séquençage de l’ARN 18S, il s’agirait d’une espèce non encore décrite proche de Rosculus ithacus (78 p. cent d’identité ADN). Il est intéressant de noter qu’une étude publiée en 2016 rapporte l’isolement d’espèces du genre Rosculus de fèces de bovins et d’ovins qui seraient des amibes coprophiles.
Conclusion
Les résultats de Samba-Louaka et coll valident que des amibes infectées pourraient constituer un réservoir et peut-être un vecteur pour la transmission de M. avium subsp. paratuberculosis.

Faits marquants

M. avium subsp. paratuberculosis est capable de se multiplier chez l’amibe sans affecter sa croissance.
M. avium subsp. paratuberculosis se localiserait dans les phagosomes de l’amibe.
Une même souche de M. avium subsp. paratuberculosis est retrouvée dans des fèces de bovins et au sein d’amibes présentes dans l’eau de boisson de l’élevage.

Commentaire de Xavier Nouvel

Les introductions et les échanges d’animaux représentent la cause première de transmission inter-cheptel de la Paratuberculose, et l’animal excréteur est une source contaminante majeure.
A ce jour, aucun cas de transmission de la maladie par les amibes via l’eau de boisson n’est démontré, que ce soit entre individus ou entre cheptels.
Il reste, en effet, à prouver que les bacilles retrouvés chez les amibes peuvent constituer une source d’infection bovine.
Les observations faites dans cet article et dans d’autres articles connexes mettent en lumière un réservoir de mycobactéries (Map, M. bovis, ...) qui reste à explorer et qui pourrait peut-être un jour expliquer certains cas de transmission ou de résurgence.
Modifié le: mercredi 17 octobre 2018, 17:15