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Depuis sa naissance en 2004, NOUVEAU PRATICIEN vétérinaire équine a consacré quelques dossiers à la reproduction avec, par ordre chronologique : “La fin de gestation” (n°3), “Le péripartum” (n°7), “Le poulain” (n°11), “L’étalon” (n°14), “Le suivi des chaleurs” (n°18), “La mise à la reproduction”(n°22), et plus récemment (n°44) “Reproduction : mises au point et nouveautés”. Quelques articles plus ponctuels sur la reproduction équine ont également jalonné les autres numéros et les Hors-séries : “Les troubles liés au veillissement”, “Les maladies infectieuses”, “Néonatologie” et “Diagnostic et examens complémentaires”. Il restait cependant un vaste domaine à couvrir : “l’infertilité équine”.
Définir l’infertilité n’est pas aussi simple qu’il peut y paraître : c’est à priori l’inverse de la fertilité, mais qu’est-ce que la fertilité ? Est-ce synonyme de fécondité ou non ? Infertilité et infécondité, est-ce la même chose ? Et la stérilité alors c’est quoi ? Pourquoi utilise-t-on parfois les termes d’hypofertilité ou de subfertilité ? Pour le sens commun, les termes “fécondité” et “fertilité” sont en général considérés comme synonymes et utilisés fréquemment l’un pour l’autre. Il en est de même pour les mots “infertilité” et “infécondité” qui désignent des situations qui ne sont pas considérés comme totalement incurables car sinon on parle de stérilité. Historiquement, et jusqu’à au moins la fin du XIX siècle, le mot “fertilité” était réservé à la botanique et le terme “fécondité” aux animaux ... Plus récemment, avec les avancées des connaissances physiologiques, la fertilité a désigné l’aptitude à engendrer une gestation et la fécondité celle à donner naissance à un nouveau-né vivant.
En médecine humaine, le taux de fécondité désigne le nombre d’enfants-nés vivants par femme en âge de procréer. La fertilité, et par conséquent l’infertilité, ont ainsi des définitions très précises. La fertilité est la possibilité pour un couple d'obtenir une grossesse après un an de rapports sexuels complets, réguliers (deux à trois fois par semaine) et sans contraception.
La fertilité humaine est physiologiquement de 25 p. cent par cycle avec un délai moyen nécessaire pour concevoir de 6 mois ! Après 1 an d’attente, pour les 18 p. cent de couples, normalement fertiles qui n’ont pas encore vu de grossesse débuter, les chances d’obtenir une grossesse la 2è année sont encore de 50 p. cent. Passé ce délai de 2 ans (24 cycles) sans grossesse, la question de l’infertilité du couple peut se poser, celle de la stérilité du couple également puisque par le jeu des probabilités, seulement un couple sur 1000 sans problème de fertilité sera dans cette situation. Infertilité, stérilité ? L’infertilité du couple se définit alors comme une probabilité de débuter une grossesse inférieure à la moyenne (< 20 p. cent par cycle), ce qui a pour conséquences un allongement du délai pour concevoir au delà de 2 ans. La définition de l’infertilité est donc une baisse de la probabilité de débuter une grossesse, probabilité qui peut être de 1 à 20 p. cent par cycle, selon la cause et la sévérité des troubles ! Le délai alors pour concevoir un enfant dépasse 2 ans et pourrait atteindre plusieurs années. C’est pour cela que, selon les directives de la loi de Bioéthique, la prise en charge de l’infertilité du couple commence après 2 ans de rapports sexuels.
Pour appliquer une définition similaire, en équine, il conviendrait de connaître la fertilité par cycle considérée comme physiologique. Est-elle bien déterminée, et est-elle de 35, 40, 45 ou 50 p. cent ? Pour appréhender au mieux la valeur de cette fertilité physiologique par cycle, il faut également considérer le stade de la gestation pris en compte : 14è, 30è ou 45è jour ? Pour un même taux de fécondation par cycle, la fertilité par cycle diminue avec le moment où la gestation est constatée du fait des mortalités embryonnaires plus ou moins précoces.
Quand faut-il alors se poser la question d’une potentielle infertilité ? En admettant que la fertilité physiologique par cycle soit de 50 p. cent, il ne faut pas ignorer qu’après trois cycles sans gestation débutante (qui constitue souvent le critère d’alerte pour rechercher une éventuelle cause d’infertilité), 12,5 p. cent des juments n’ont aucune altération de cette fertilité physiologique par cycle ! En considérant la définition de l’infertilité humaine comme une baisse de la fertilité par cycle, il faut alors admettre que les termes d’hypofertilité ou de subfertilité parfois employés ne se justifient pas. En fait, les seules données chiffrées officielles sont les chiffres publiés par SIRE (Système d’information relatif aux équidés) permettant un calcul du taux de fécondité par saison. Ainsi, pour la saison de reproduction 2016, il y a eu 76 148 juments déclarées mises à la reproduction et 47 511 poulains et ânons immatriculés en 2017. Le taux de fécondité pour 2016 est donc de 62,4 p. cent. En se livrant au même calcul à partir de la même source, il apparaît que, pour les années de 2000 à 2016, ce taux de fécondité a varié, selon les années entre 56,5 et 65,5 p. cent, (avec une moyenne de 60 p. cent). Aussi, seule un peu plus d’une jument sur deux mises à la reproduction une saison donne naissance à un poulain l’année suivante. Peut-on améliorer ce taux de fécondité en dépistant et en tentant de traiter certaines causes de baisse de fertilité par cycle ?
Ce numéro Hors-série du NOUVEAU PRATICIEN vétérinaire équine vous permet d’explorer les principales causes d’infertilité chez les équidés, grâce à des contributions de nombreux confrères français et étrangers. En cette période de l’année où les juments demeurées non gravides sont présentées en consultation, les éléments mis à votre disposition, vous seront sans aucun doute fort utiles. Cependant, les consultations pour infertilité ne sont pas saisonnières, ce Hors-série sera donc à garder à porter de main ! Et il sera prochainement prolongé par un dossier complémentaire sur les endométrites. Bonne lecture à toutes et à tous. ❒
à suivre les articles :
➜ Les endométrites infectieuses Ahmed Tibary, Lisa K. Pearson
➜ Les endométrites dégénératives ou endométroses chez la jument Ahmed Tibary, Lisa K. Pearson
➜ Quels traitements progestatifs utiliser chez la jument subfertile Aurélie Allard
publiés dans un prochain numéro du NOUVEAU PRATICIEN vétérinaire équine : dossier “Endométrites”.
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