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INFLUENCE DE L’EXPÉRIENCE DU PRATICIEN
sur le diagnostic de gestation précoce

Objectif de l'étude
Évaluer l’impact de l’expérience du praticien sur les interruptions
de gestation par un essai contrôlé en aveugle.

Reprod Dom Anim. 2017 :1-4.
Influence of practitioner expertise during early pregnancy
diagnosis on pregnancy loss rate: A controlled, blinded trial.

R Patron, I López-Helguera, F Sebastián, J-L Pesantez-Pacheco, N Pérez-Villalobos, J Vicente González Martín, O Fargas, S Astiz








Synthèse par Xavier Nouvel Département Elevage et Produits, Santé Publique Vétérinaire, Pathologie de la Reproduction,
École Nationale Vétérinaire de Toulouse, F-31076 Toulouse



Le diagnostic de gestation par échographie est très couramment pratiqué en reproduction bovine. Il permet de fournir un diagnostic immédiat et plus précoce que la simple palpation transrectale.
Certains auteurs indiquent qu’une formation des opérateurs est primordiale pour assurer la précision comme la sécurité de la technique.
Si des études de comparaison de l’innocuité de différentes techniques de diagnostic de gestation ont été réalisées, aucune n’a réellement évalué l’effet du niveau d’expérience de l’opérateur sur le risque d’interruption de gestation suite à un diagnostic de gestation précoce par échographie. Dans cette étude, les auteurs évaluent l’impact de l’expérience du praticien sur les interruptions de gestation par un essai contrôlé en aveugle.

Matériels et méthodes

Deux vétérinaires de niveau d’expérience différent ont pratiqué des diagnostics de gestation entre 28 et 34 jours après insémination dans la même exploitation laitière en alternance de Mars 2014 à Décembre 1015.
Le vétérinaire A avait plus de 10 ans d’expérience en diagnostic de gestation par échographie et le vétérinaire B moins de 12 mois d’expérience au début de l’étude.
Ils n’ont interagi entre eux à aucun moment de l’étude, et n’étaient pas informés de l’étude et de l’utilisation ultérieure de leurs données pour celle-ci.
Ils ont utilisé le même échographe et établi 915 diagnostics de gestations positifs entre 28-34 jours après insémination, durant la période d’étude. Pour ces diagnostics de gestation positifs, la viabilité fœtale a été systématiquement considérée par visualisation des battements cardiaques.
Toutes les vaches ont été contrôlées entre 49-56 jours après insémination artificielle par un opérateur tiers. Les vaches non gravides à ce second examen ont été considérées comme ayant subi une interruption de gestation.
Une méthode non paramétrique (MannWhitney) a été utilisée pour comparer les données avec une différence significative à 5 p. cent (p <0,05).

Résultats

Les deux vétérinaires (A et B) ont établi une proportion similaire de diagnostics de gestation positifs (58,44 ± 16 p. cent vs 56,96 ± 18 p. cent, p > 0,05).
Le taux d’interruption de gestation observé dans cette étude est de 7,2 p. cent. Ce taux était significativement plus élevé chez les vaches diagnostiquées par le vétérinaire B peu expérimenté (10,41 ± 11,2 p. cent vs 4,87 ± 9,0, p < 0,05).
En outre, parmi les vaches diagnostiquées par ce vétérinaire, les interruptions de gestation étaient significativement plus nombreuses en début d’étude en comparaison à la fin de l’étude (11,17 ± 12,14 p. cent de gestations interrompues les 12 premiers mois vs 7,14 ± 11,01 p. cent après 12 mois, p < 0,05).
Passé 12 mois, le taux d’interruption de gestation est comparable à celui observé pour les vaches diagnostiquées par le vétérinaire expérimenté A sur la même période (3,51 ± 9,83 p. cent, p = 0,620).

Discussion

Ces résultats suggèrent que le manque d'expérience pour le diagnostic de gestation précoce par échographie pourrait affecter de manière significative le maintien d’une gestation, ce qui renforce la nécessité d’une formation adéquate.
La possible corrélation entre faible expérience et risque élevé d’interruption de gestation peut s’expliquer par des manipulations dommageables à l’embryon comme des traumatismes touchant le cœur situé à la surface du conceptus à 28-35 jours ou l’altération du développement placentaire. Toutefois, les conditions d’échographie sans traction sur l’utérus pratiquées dans cette étude sont moins à risque que la palpation transrectale directe.
Le taux d’interruption de gestation observé dans cette étude (7,2 p. cent) est inférieur à celui noté lors d’une étude de Wiltbank et coll, plus vaste, incluant 20 000 gestations (11,9 p. cent).
Ce taux plus faible peut être expliqué par un diagnostic de gestation réalisé sur la base de l’observation des battements cardiaques.
Le protocole de la présente étude basée sur le travail de deux vétérinaires utilisant un même échographe et au sein du même troupeau pendant 20 mois permet de diminuer les facteurs de confusion et est ainsi en faveur d’un réel reflet de la différence d’expérience sur la différence observée.
Le taux de diagnostics de gestation positifs est, de plus, comparable pour ces deux vétérinaires tout au long de la période d’étude ainsi qu’au cours des 12 premiers mois et des 8 mois suivants pour le vétérinaire moins expérimenté B.
Ces résultats suggèrent que l’expérience nécessaire pour acquérir une bonne sensi-bilité diagnostique est inférieure à celle nécessaire pour une meilleure innocuité de l’examen.

Conclusions

Cet essai en conditions de terrain prouve clairement qu’entre entre 28 et 35 jours après insémination, l’inexpérience de l’échographiste peut augmenter le risque d’interruption de gestation.
Toutefois, ces résultats basés sur une seule exploitation et sur deux vétérinaires uniquement, soit un très faible échantillon, imposent de les considérer avec précaution pour les extrapoler à la diversité de la population réelle.
Ces données renforcent cependant l’importance d’une formation adéquate avant la mise en œuvre de cette technique dans les élevages afin de raccourcir la "courbe d’apprentissage".


Autres informations à retenir

L’échographie transrectale est plus sensible et moins invasive que la palpation transrectale.
Elle permet une datation précise de la gestation et une évaluation de la viabilité fœtale, de la gémellité, du sexe ...
Pour les diagnostics précoces (28-35 j), une confirmation du diagnostic est nécessaire.
L’évaluation de la viabilité fœtale (observation des battements cardiaques) est un élément important.
Modifié le: lundi 27 mai 2019, 15:42