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Hémato

hématologie


ANÉMIE HÉMOLYTIQUE À MÉDIATION IMMUNE ET THROMBOPÉNIE
chez 25 chevaux adultes : 1997-2006


Objectifs de l'étude
Caractériser la présentation clinique, les données cliniques et pathologiques, les affections sous-jacentes, les traitements et le pronostic des anémie et thrombopénie à médiation immune chez le cheval.

Equine veterinary journal
2020;Nov 10.
doi: 10.1111/evj.13384.
Immune-mediated haemolytic anaemia and thrombocytopenia in 25 adult equids: 1997-2016
Easton-Jones CA, Estell KE, Magdesian KG.








Synthèse par Dr Alexandra Prévôt, Interne, Clinéquine, VetAgro Sup.



Sujet

L’anémie hémolytique à médiation immune (AHMI) et la thrombopénie à médiation immune sont deux affections provoquées par la production anormale d’anticorps dirigés respectivement contre les hématies ou contre les plaquettes. Elles peuvent être primaires ou secondaires. Dans ce dernier cas, elles sont généralement provoquées par un processus néoplasique ou par une infection, qu’elle soit bactérienne ou virale.
Le diagnostic est établi par détection de ces anticorps, par cytométrie en flux ou par le test de Coombs, direct ou indirect.

Matériel et méthode

Cette étude rétrospective est réalisée sur les cas d’anémie ou de thrombopénie à médiation immune présentés à l’hôpital vétérinaire de l’Université de Californie entre 1997 et 2006.
Les chevaux admis dans l’étude ont été divisés en trois groupes, selon que le diagnostic correspond à une anémie à médiation immune sans thrombopénie associée, à une thrombopénie à médiation immune sans anémie associée, ou aux deux affections présentes de manière concomitante.
Les chevaux considérés comme atteints d’une AHMI sont ceux présentés avec un hématocrite inférieur à 30 p. cent, et positifs soit à un test de Coombs direct, soit à la cytométrie en flux pour les anticorps dirigés contre les hématies.
Les chevaux incorporés dans les groupes atteints de thrombopénie à médiation immune présentent un comptage de plaquettes inférieur à 90 000 x 106/L ainsi qu’une cytométrie en flux positive pour les anticorps dirigés contre les plaquettes.
Le dernier groupe rassemble les chevaux remplissant les critères des deux affections.
Une distinction a été faite entre les affections primaires et les affections secondaires, sur la base de l’anamnèse principalement. Un cheval présentant un historique d’administration de médicament, d’affection antérieure ou de néoplasie était considéré comme atteint d’une AHMI ou d’une thrombopénie à médiation immune secondaire.
Un groupe témoin a également été constitué en recrutant deux chevaux arrivés juste avant ou juste après chaque cheval atteint.
Au total, 24 chevaux et un âne ont été inclus dans l’étude. Parmi ceux-ci, trois races étaient majoritaires : les Quarter Horses (24 p. cent), les Pur-sang (16 p. cent) et les chevaux de selle (20 p. cent), cette répartition étant aussi retrouvée parmi les chevaux du groupe témoin.

Résultats

Deux chevaux ont été diagnostiqués comme atteints d’une AHMI seule, 8 ont présenté une thrombopénie à médiation immune seule, et 15 ont associé les deux affections.
Tous les sexes étaient représentés et aucune différence significative d’âge entre les groupes n’a été montrée.
Les signes cliniques les plus fréquents chez les chevaux atteints sont la présence d’une tachycardie et d’un œdème ventral. Un peu plus rarement, ont été mis en évidence une tachypnée, une fièvre, des pétéchies, un ictère, une épistaxis ou un temps de recoloration capillaire rallongé. 19 chevaux ont reçu des traitements avant l’admission, incluant principalement l’administration de pénicilline ou d’antibiotiques sulfamidés. Parmi ceux-ci, 4 ont présenté des signes évocateurs d’AHMI ou de thrombopénie à médiation immune avant l’administration, et ont donc été tout de même considérés comme atteint d’une affection primaire.
En ce qui concerne les paramètres sanguins, une leucopénie est présente dans 14 cas. De même, une neutrophilie est observée chez 9 cas et une neutropénie chez 2 chevaux. Une hyperfibrinogénémie a été observée sur 10 chevaux.
Par ailleurs, les chevaux survivants ont présenté une valeur d’urée significativement plus basse que les chevaux morts ou euthanasiés, ainsi qu’un taux de plaquettes plus élevé. En revanche, aucune différence significative n’a été mise en évidence pour les autres paramètres mesurés. Les temps de coagulation ont été mesurés chez 13 chevaux présentant soit une thrombopénie soit les deux affections associées, et sont augmentés chez 12 d’entre eux.
Les corticoïdes, qu’il s’agisse de la dexaméthasone ou de la prednisolone, représentent le traitement le plus utilisé pour ces affections. Certains chevaux de l’étude ont reçu de l’azathioprine et une transfusion sanguine a été réalisée sur environ 1⁄4 des cas. Cependant, aucune différence significative concernant le taux de survie n’a été mise en relation avec l’administration de corticoïdes ou la réalisation d’une transfusion.
Environ 2/3 des cas ont été suspectés comme étant une affection secondaire, contre 1/3 pour les affections suspectées primaires. Les causes principales d’anémie ou de thrombopénie secondaires rassemblaient les processus néoplasiques et les infections bactériennes.
Le taux de survie à court terme, c’est à dire à la sortie du cheval, était de 60 p. cent. Aucune différence significative n’a été mise en évidence en ce qui concerne le taux de survie entre les trois groupes. En revanche, les chevaux atteints d’anémie ou de thrombopénie secondaires ont semblé moins susceptibles de survivre que ceux dont l’affection a été suspectée comme primaire.
Le pourcentage de chevaux chez lesquels un processus néoplasique a été mis en évidence est bien plus important dans la population de chevaux atteints d’anémie ou de thrombopénie à médiation immune que dans la population témoin.

Discussion et conclusion

L’association de l’anémie hémolytique à médiation immune avec une thrombopénie à médiation immune a été plus fréquente que la survenue des deux affections séparées. De plus, ces affections semblent être souvent mises en relation avec la présence d’un processus néoplasique. Le fait que les chevaux atteints d’AHMI ou de thrombopénie considérées comme secondaires aient un moins bon pronostic que ceux atteints de façon primaire pourrait être lié à cette implication fréquente de processus néoplasiques.
Par ailleurs, l’augmentation de l’urémie, considérée dans cette étude comme un indicateur du pronostic, pourrait être liée à des lésions d’ischémie ou de thromboembolie rénale.
L’absence de différence de pronostic entre les chevaux ayant reçu un traitement immunosuppresseur et les autres inciterait à utiliser ces molécules avec précaution. Cependant, ce résultat pourrait être expliqué par le faible nombre de cas. Ceci, ainsi que son caractère rétrospectif et l’absence de suivi à long terme, sont les principales limites de cette étude.
De plus, les critères d’inclusion des chevaux dans un groupe ou un autre ont été choisis en fonction des études réalisées en médecine canine et des valeurs usuellement utilisées en médecine équine. Or, les intervalles de référence de l’hématocrite varient selon la race et le statut physiologique, ce qui implique que certains chevaux considérés comme anémiés dans cette étude ne l’étaient peut-être pas réellement. Toutefois, la recherche combinée d’anticorps dirigés contre les hématies a sans doute permis de limiter ce biais.
La nature primaire ou secondaire des affections étudiées a été déterminée en se basant sur la mise en évidence ou non d’une cause primaire. Il est donc possible que certains cas aient été classés comme primaire en raison de l’absence de détection de la cause initiale.
Modifié le: jeudi 29 avril 2021, 14:34