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La thématique du bien-être animal (BEA) est devenue incontournable tant au niveau politique que sociétal. Depuis que l'OIE (organisation mondiale de la santé animale) a défini en 2001 la prise en compte du BEA comme enjeu mondial prioritaire, ses directives s'appliquent de facto aux 180 états membres sur les cinq continents. L'Europe n'est pas en reste depuis le traité de Lisbonne en 2009 sous l'impulsion de l'"eurogroup4animals" mais le chemin restant à parcourir au sein des différents pays membres de l'UE est bien disparate. Le ministère de l'Agriculture et de l’Alimentation français a lui aussi déclaré le BEA comme grande cause nationale dans le plan quinquennal 2016-2020. La reconnais- sance en 2015 dans le code civil de la notion "d'animal doué de sensibilité", s'alignant ainsi sur le code rural et le code pénal, est venu compléter notre arsenal législatif.
Au niveau sociétal, un fossé se creuse entre les revendications des adeptes du retour au "plus naturel" et une filière agricole dont la mission première reste de nourrir la population dans le respect de bonnes pratiques éthiques. Les premiers sont pleins de bonnes intentions mais souvent (pauvres urbains mais majoritaires) méconnaissent le monde rural et ils sont parfois pollués d'extrémistes en tous genres. Les seconds restent contraints à la rentabilité dans un modèle économique agricole en pleine métamorphose qui remet en cause les techniques d'hier mais ils doivent impérativement évoluer pour perdurer. La filière équine n'échappe pas à ce contexte particulier. Le cheval reste un animal de rente aux yeux de la loi. Mais il est un animal de loisir, parfois de compagnie dans les usages et les mœurs. L'histoire de France fait la part belle au cheval comme partie intégrante de notre culture. La qualité de l'élevage français, le succès populaire des courses, les performances des sports équestres ont construit une filière équine française diverse. Une meilleure prise en compte du bien-être des équidés dans la pratique de toute activité équestre est devenue une évidence pour la filière équine. Alors quelle place pour le vétérinaire dans cette mutation ? La dérive normative est en marche en France comme ailleurs. Elle contraint toujours plus les utilisateurs d'équidés, sans jamais satisfaire vraiment aux attentes de la société. Des voix s'élèvent en faveur d'un plus strict contrôle, d'un permis de détention voire même, pour une minorité, d'une interdiction pure et simple de l'utilisation du cheval à des fins sportives. La filière doit prouver sa bonne foi et afficher ses bonnes pratiques. Le risque majeur est de faire du BEA un univers de contrainte qui deviendrait, aux moindres maux inapplicables, au pire mortifère. Face à ce risque, les vétérinaires praticiens, présents sur le terrain, doivent impérativement se saisir de la problématique du BEA et proposer comme solution ... leur compétence. Notre arme est la démarche clinicienne et la connaissance sans cesse actualisée des bases scientifiques. L'approche du bien-être animal doit être, et c'est bien là la difficulté, à la fois : - rationnelle, c'est-à-dire basée sur des critères cheval-centrés de santé physique et psychologique, notamment dans le cadre de l'évaluation de la douleur ; - pragmatique, c'est-à-dire admettant l'existence d'un cheval domestique utilisé prioritairement pour le plaisir, pour ses capacités sportives, pour l'élevage, pour le travail, voire même pour la production bouchère ; - holistique, c'est-à-dire tenant compte également de la cognition animale, de l'éthologie clinique et de la relation homme-animal comme des données majeures du BEA. Le BEA reste en partie une notion abstraite. Notre rôle, en tant que "sachant", est de définir le cadre de la bientraitrance. A chacun de confronter ces éléments factuels à son éthique personnelle. Les auteurs qui ont participé à ce dossier spécial du NOUVEAU PRATICIEN vétérinaire équine Bien-être et qualité de vie des équidés, développent conjointement dans leurs thématiques respectives, cette approche à la fois scientifique et réaliste. Ils vous proposent des solutions pratiques, tentent de répondre aux questions que vous vous posez, en distinguant ce qui est validé de ce qui constitue encore des pistes de travail. Prenons la main sur le bien-être animal. Bonne lecture ! ❒
à suivre ...
➜ Évaluation et prise en charge du bien-être de l’animal malade et/ou hospitalisé : rôle du vétérinaire
➜ La détection des signes de mal-être et de douleur chez le cheval hospitalisé de Agnès Benamou-Smith.
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