éditorial




La douleur, une préoccupation sociétale émergente et un vrai sujet en productions animales ...


Berthelot

Xavier Berthelot

Département élevage et Produits, Santé Publique Vétérinaire
Unité Mixte de Recherches INRA-ENVT 1225 "Interactions Hôtes-Agents Pathogènes" (IHAP) Unité Mixte Technologique "Maîtrise de la santé des troupeaux de petits ruminants"
École Nationale Vétérinaire, 23 chemin des Capelles, B.P. 87614,
F-31076 Toulouse cedex 3


La loi n° 2015-177 du 16 février 2015 (relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieu- res) a modifié le code civil en indiquant que "les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité" c'est-à-dire doués de l'aptitude à ressentir et exprimer la douleur. L’association Internationale d’Étude de la Douleur définit la douleur comme "une sen- sation et une expérience émotionnelle désagréable en réponse à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle ou décrites en ces termes".
Il est possible de distinguer trois grands types de douleur selon leur profil évolutif : douleur aiguë (due à une atteinte tissulaire brutale), douleur procédurale (induite par les soins), et douleur chronique (caractérisée par une persistance ou par une récurrence associée à une détérioration des capacités fonctionnelles et relationnelles). Prendre en charge la douleur suppose d'abord de la connaître et d'en comprendre les mécanismes, de savoir la reconnaître et d'être capable d'en évaluer l'intensité et, enfin, de disposer d'outils permettant de la maîtriser. Le dossier proposé dans ce numéro du
NOUVEAU PRATICIEN vétérinaire élevages et santé suit ce fil conducteur.
Le 1er article propose donc de définir la douleur et d'en comprendre les mécanismes physiopathologiques. Dans cet article, A. Ferran présente différentes définitions de la douleur qui intègrent la nociception, les émotions et la conscience et distingue la douleur aiguë de la douleur chronique qui résultent de la mise en oeuvre des mécanismes différents et dont la prise en charge doit de ce fait, faire appel à des médicaments différents. La douleur est donc plus difficile à définir et à appréhender que la "simple" nociception car elle fait, notamment, intervenir une part de subjectivité liée à l'expression par l'individu qui souffre (et, de ce point de vue, les ruminants sont assez peu expressifs) et à l'appréciation par l'observateur. Toutes les études consacrées à l'estimation a priori de la douleur ressentie par les animaux atteints de affections diverses ont mis en évidence d'assez larges différences d'appréciation en fonction des observateurs. Chez les bovins, les difficultés à reconnaître la douleur et à en apprécier l'intensité ont motivé différents travaux qui ont conduit à la proposition de grilles de notation objectives présentées dans le 2e article (A. Relun et coll). Les auteurs concluent que l'évaluation de la douleur doit être conduite en limitant le stress induit par l'examen, et notamment en évitant le stress de la contention, afin de ne pas perturber l'expression des phénomènes douloureux par les animaux.
La douleur et son intensité étant évaluées, il appartient au praticien de la maîtriser. Le 2e article de ce dossier (G. Belbis et coll) présente les différents moyens thérapeutiques permettant la prise en charge de la douleur chez les bovins, et illustre leur utilisation lors de différentes affections responsables de douleur aiguë chez le jeune et chez l'adulte. Les auteurs attirent l'attention sur la faiblesse des moyens médicaux disponibles pour gérer la douleur chronique chez les bovins.
Parmi les affections dominantes rencontrées chez les bovins, les boiteries et les mammi-tes sont sans doute celles qui engendrent le plus de phénomènes douloureux mais, si les mammites cliniques entraînent une douleur aiguë d'intensité variable (voir article X. Berthelot), les boiteries peuvent engendrer les trois types de douleur définis par l'as- sociation Internationale d’Étude de la Douleur. En effet, si la douleur aiguë associée à la boiterie n'est pas assez rapidement prise en charge, elle peut évoluer vers une douleur chronique, parfois associée à des phénomènes d’hyperalgésie et d’allodynie, beaucoup plus difficiles (sinon impossibles) à maîtriser et dont le traitement peut engendrer une douleur procédurale. Ces difficultés particulières sont illustrées dans le 5e article du dossier (A. Relun et coll) consacré à la prise en charge de la douleur associée aux boiteries chez les bovins.
Ce dossier sera suivi, dans un prochain numéro, par des articles consacrés à la douleur induite par des interventions à but zootechnique (écornage, castration, caudectomie) encadrées par la loi et par un article sur la prise en charge de la douleur lors d'interventions chirurgicales.

Sauter N°41, Vol 10, 2018

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Éditorial - François Schelcher

Actualité thérapeutique Maryvonne Barbaray

Prix éditorial 2018 pour LE NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE élevages et santé
Les mycotoxines émergentes et réémergentes en France attribué à Jean-Denis Bailly

ACTUALITÉS EN PERSPECTIVE

- Chronique - Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ...
Zénon

- Comprendre l’émergence du virus BTV (sérotype 4) et le développement de la FCO en Europe en 2017 /2018
Stéphan Zientara


RUMINANTS
Dossier : Prise en charge de la douleur

- Comprendre les mécanismes physiopathologiques de la douleur
Aude Ferran

- Évaluation de la douleur chez les bovins : les signes de douleur
Anne Relun, Gwenola Touzot-Jourde, Rémi Guénault, Raphaël Guatteo

- Prise en charge médicale de la douleur chez les bovins
Guillaume Belbis, Yves Millemann, Vincent Plassard

- Prise en charge de la douleur lors de mammites chez les bovins
Xavier Berthelot

- Prise en charge de la douleur associée aux boiteries chez les bovins
Anne Relun, Gwenola Touzot-Jourde, Rémi Guénault, Raphaël Guatteo


COMPRENDRE ET AGIR

- Biosécurité - La biosécurité externe vis-à-vis d’insectes vecteurs
Barbara Dufour, Ariane Payne, Yannick Grimaud, Eric Cardinale

- Cas pratiques de nutrition - Complémentation minérale et vitaminique de vaches allaitantes
Francis Enjalbert

- Épidémiologie - La surveillance de maladies de la faune sauvage transmissibles au bétail dans le département de l’Orne
Arnaud Delafosse, Xavier Brault, Hamid Achour


FMC Vét - formation médicale continue vétérinaire

- Revue de presse internationale - Prévision de la deuxième étape du vêlage chez la génisse Holstein-Frison
Synthèse rédigée par Nicolas Herman