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Pour le vétérinaire, la dermatologie équine revêt de nombreuses particularités qui en font un domaine difficile. En effet, le cheval a tout d’abord une peau fragile, peut-être le fait d’une sélection l’ayant éloigné de la rusticité de ses ancêtres, mais celle-ci est, en même temps, soumise à des agressions d’une intensité sans commune mesure avec celles de la vie sauvage. Les efforts journaliers par succession de reprises ou d’entrainements à l’origine d’épisodes répétés de sudation font ainsi le lit de surinfections cutanées. Que dire des sollicitations du sabot, et plus globalement du pied, propices aux érosions, blessures et inflammations. Les soins alors prodigués, de conception souvent empirique, ne sont pas toujours appropriés. Beaucoup n’ont pas été confrontés aux critères exigibles dans une pharmacopée moderne. Aussi, les dermatites de contact (naturelles ou iatrogènes) sont très fréquentes. La sélection a aussi apporté son cortège de prédispositions génétiques telle le HERDA* du Quarter horse mais davantage encore, des états qualifiés "d'allergiques". Le caractère partiellement génétique de la DERE** est connu depuis plus de 80 ans. Quant au mystère de la diversité des urticaires, peut-être est-il en lien avec ce type de prédisposition sur un animal déjà si enclin aux réactions éosinophiliques. Le mode de vie en effectifs, en confinement une partie de l’année, ou au contraire en extérieur, avec une circulation peu contrôlée des animaux, rend aisé, comme pour d’autres grandes espèces, les harcèlements par les insectes, la transmission de pathogènes comme les agents des teignes ou la dermatophilose sur des animaux fragilisés. Le cheval, parfois indocile, voire dangereux, peut dissuader du prélèvement cutané, donc du diagnostic. Quant à la thérapeutique, ses progrès sont encore freinés par un statut souvent erroné d’animal de boucherie, une difficulté pour réaliser convenablement des études sur effectifs significatifs, et par la rareté des médicaments officiellement utilisables ou en développement. Tout cela peut participer à expliquer, face à la fréquence des atteintes cutanées équines, le retard relatif, ou tout au moins une progression plus lente, en comparaison de la dermatologie d’autres espèces. Les nouveautés sont rares et il s’agit ici, encore aujourd’hui, de savoir d’abord bien discerner plutôt que de décrire. La dermatologie équine doit beaucoup à quelques précurseurs qui ont su bâtir une approche moderne, similaire à celle des autres espèces. Tony Stannard et Danny Scott sont sans doute les plus connus. Au cours des années, il nous est apparu que les affections cutanées les plus fréquemment rencontrées en consultation de dermatologie équine ou révélées au travers des données de laboratoire pouvaient se grouper dans un “top ten” qui recouvre largement celui proposé par Danny Scott. Au delà des dermatoses purement physiques ou chimiques, on trouve des affections parasitaires ou à déclenchement parasitaire telles que les hypersensibilités aux piqûres d’insectes, vision élargie de la DERE ou la gale chorioptique trop méconnue, des dermatoses infectieuses avec le quiproquo qui persiste entre des pyodermites superficielles longtemps ignorées et des dermatophytoses sur-diagnostiquées sans démonstration du champignon, ou encore la dermatophilose dont le diagnostic dépend de la cytologie. Il y a aussi des syndromes à l’abord diagnostique difficile. Parlons des pododermatites de diversité longtemps masquée derrière l’antique terme de “gale de boue” que l’on peut encore entendre. Elles sont souvent combinées à une atteinte de la couronne qui se répercute sur la boite cornée. Les urticaires continuent aujourd’hui de laisser perplexe. Enfin, le cheval est une espèce à “nodules”, unique par sa prédisposition aux sarcoïdes viro-induits, granulomes collagénolytiques et autres chéloïdes. Il serait donc présomptueux de prétendre, dans l’enveloppe d’un numéro hors-série, faire le tour du domaine et gérer le paradoxe entre la fréquence d’une confrontation avec les Iquelques entités mentionnées précédemment et la diversité d’états cutanés rares. Il faut faire des choix. Ici, LE NOUVEAU PRATICIEN vétérinaire équine a choisi un abord utile et pragmatique avec une approche actualisée et selon une sémiologie des ensembles au sein desquels, au delà de la clinique, la démarche diagnostique et les examens complémentaires à entreprendre sont privilégiés. Ces informations seront, à n’en pas douter, utiles à chacun pour gérer les affections cutanées équines au quotidien.❒
* HERDA : Hereditary equine regional dermal asthenia ** DERE : Dermatite estivale récidivante
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