Depuis l’Antiquité, la fourbure demeure une maladie invalidante pour le cheval, qui pénalise grandement son utilisation par l’Homme. C’est à plusieurs titres, un défi.
Pour le praticien vétérinaire, c’est un défi en raison de l’urgence du diagnostic et de la mise en œuvre d’un traitement. En effet, par la douleur et les séquelles qu’elle engendre, la fourbure doit être diagnostiquée aussi précocement que possible afin d’enrayer son évolution physiopathologique. Mais là encore, c’est un défi clinique parfois frustrant, surtout dans sa phase chronique. Si de nombreuses approches thérapeutiques sont permises, certaines révèlent de bons résultats chez certains animaux alors qu’elles s’avèrent totalement inefficaces dans d’autres cas où le vétérinaire doit se résoudre à proposer l’euthanasie de l’animal.
La prévalence et l’incidence de cette affection - 2 p. cent chaque année aux États-Unis - exigent également que le vétérinaire en ait une bonne connaissance car il est inéluctablement amené à la rencontrer dans sa pratique ambulatoire, dans tous les types d’écuries. Le cheval de loisir, isolé dans son pré, tout comme le cheval athlète, Pur-Sang de course ou Selle français de saut d’obstacles, peuvent en effet, être atteints.
La population de candidats potentiels à la fourbure découle de la grande diversité des situations qui peuvent conduire à cette affection. L’endotoxémie reste le facteur déclenchant le plus souvent mis en cause, mais un excès glucidique dans la ration, une affection sur le membre controlatéral ou le syndrome de Cushing sont d’autres exemples connus d’étiologie de la fourbure.
Même si cela semble rare, le praticien doit aussi garder à l’esprit les risques de fourbure iatrogéniques lorsqu’il prescrit des glucocorticoïdes chez le cheval.
La fourbure est aussi un défi pour la recherche fondamentale.
De multiples théories se complètent, voire s’affrontent pour expliquer la genèse de cette nécrose de la jonction dermo-épidermique du sabot. Alors que la théorie enzymatique impliquant les métallo-protéases matricielles (M.M.P.) semblait tenir le haut du pavé, une récente étude du l’université du Massachusetts relègue leur production excessive au rang des conséquences de la cascade inflammatoire en place dans la pathogénie de la fourbure [1].
Tous ces défis constituent autant de raisons qui justifient que nous consacrions un numéro du NOUVEAU PRATICIEN VÉTÉRINAIRE équine à cette affection. En conservant toujours une approche pratique, fondement de cette revue de formation continue, les articles de ce dossier spécial fourbure font un état des lieux des nombreuses théories et des connaissances actuelles concernant l’étiologie et la physiopathologie de cette affection du doigt des équidés [2] (article de R. Perrin).
Ces données s’appuient sur une bonne maîtrise de l’angiologie du doigt du cheval (article de H. Chateau). Le diagnostic à la fois clinique et fondé sur l’imagerie médicale est ensuite détaillé dans plusieurs articles (articles de C. Piccot-Crézollet, et de M. Rosengarten, J. Olive, J.-L. Cadoré) afin de pouvoir aborder les aspects de maréchalerie, dénominateur commun de toute approche thérapeutique du cheval fourbu (article de L. D’Arpe, A.-G. Heitzmann, F. Rossignol et coll.).
Quoiqu’il en soit, nous veillerons à garder beaucoup d’humilité face à cette affection à l’évolution toujours incertaine et à l’issue parfois sombre, et à encourager la recherche, car nous sommes loin d’avoir fait le tour de la fourbure qui, telle la partie immergée de l’iceberg, recèle encore de nombreuses énigmes. ❒
Références
1. Loftus JP, Black SJ, Pettigrew A, coll. Early laminar events involving endothelial activation in horses with black walnut- induced laminitis. Am J Vet Res. 2007;68(11):1205-11.
2. Pollitt CC, Davies CT. Equine lami- nitis : its development coincides with increased sublamellar bood flow. Equine vet J Suppl. 1998;26:125-32.