9 | COMPRENDRE ET AGIR - ÉPIDÉMIOLOGIE
résumé et plan de l'article
Un épisode d’agalactie
d’une ampleur inhabituelle
chez des brebis dans l’est de la france
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Julien Anderbourg, Antoine Dumont, Pascal Messin, Jean-Denis Bailly, Didier Calavas, Kristel Gache
Durant l’hiver 2012, de nombreux cheptels ovins des régions Alsace et Lorraine ont été confrontés à un épisode sévère de baisse importante, voire d’une absence totale de montée de lait après agnelage.
Un groupe de travail (réunissant l’Ecole vétérinaire de Toulouse, la Plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale (Plateforme ESA), des vétérinaires ruraux des groupements techniques vétérinaires (GTV) 54 et 57, GDS France et les GDS des régions Alsace et Lorraine) a rapidement mis en place un cadre d'investigations.
Les différentes investigations et analyses réalisées dans 17 élevages atteints d’agalaxie ont établi un diagnostic d’intoxication par des mycotoxines.
Les résultats de recherche de mycotoxines présentes dans les rations distribuées aux brebis ont montré de fortes teneurs en alcaloïdes de l’ergot, associées ou non à d’autres mycotoxines (trichothécènes) en quantité importantes dans les céréales produites sur la ferme et/ou les aliments du commerce.
Comme la principale observation faite sur les brebis était une absence de colostrum suivie de la mise en place progressive de la lactation, les alcaloïdes de l’ergot sont la cause la plus probable de l’épisode.
En effet, ces derniers inhibent la sécrétion de prolactine, indispensable au développement mammaire et à la mise en place de la lactation.
Le phénomène a rapidement disparu dans les élevages qui ont arrêté les aliments incriminés ou qui ont ajouté des capteurs de mycotoxines.
L’hypothèse des aléas climatiques peut expliquer le caractère localisé et exceptionnel de ce phénomène. Suite à la vague de froid de février 2012, la Lorraine et l'Alsace ont connu d'importants dégâts dus au gel de cultures, pouvant aller localement jusqu’à la destruction de 70 à 80 % de parcelles de blé.
En parallèle, la protection fongicide a été souvent insuffisante pour des blés dont la production semblait compromise et, à la faveur de l’humidité au moment de la floraison, la fusariose s’est installée avec une production intense de mycotoxines.
Mots-clé : Ovins, épidémiologie, toxicologie, affections mammaires, intoxications, agalactie, mamelles, agnelage, mycotoxines, examens complémentaires, alcaloïdesDESCRIPTION CLINIQUE ET ÉPIDÉMIOLOGIQUE
ENQUÊTES ÉPIDÉMIOLOGIQUES EN ÉLEVAGEFigure 1 - Distribution géographique des 39 élevages ovins ayant rapporté des cas d’agalactie à la mise bas au cours de l’hiver 2012-2013De bons résultats techniques mais des pertes d’agneaux importantes
Relation avec l’infection par le virus de Schmallenberg (sous sa forme congénitale) exclue
Des rations équilibrées pour une bonne préparation à l’agnelage
Des gestions sanitaires différentes mais cohérentes
INVESTIGATION DES CAUSES POSSIBLESEncadré 1 - Les examens complémentaires réalisés sur les brebis atteintes
Encadré 2 - Pour l’analyse des mycotoxines : démarche et résultatsDISCUSSION
L’intoxication par des mycotoxinesArrêter les aliments incriminés ... ... ou ajouter des capteurs de mycotoxines Les conditions climatiques expliquent la présence massive des mycotoxinesFigure 2 - Estimation des proportions de surfaces en céréales détruites (orge d’hiver, blé d’hiver) en pourcentages, au 9/03/2012 et distribution géographique des 39 élevages ovins ayant rapporté des cas d’agalactie à la mise bas au cours de l’hiver 2012-2013La toxicité des alcaloïdesFigure 3 - Proportion de brebis atteintes d’agalactie en fonction de la quantité d’alcaloïdes de l’ergot ingéréeRetour d’expérience
CONCLUSION2 photos illustrent cet article.
Julien Anderbourg
Julien Anderbourg est technicien, responsable du Pôle Terrain du GDS 54. Il a une activité de conseil en santé animale en élevages bovins et ovins, essentiellement au travers d’audits d’élevages qu’il réalise en étroite collaboration avec le Dr Jean-Pierre Bailly (GTV 54) mais aussi de visites, de réunions et de formations auprès des éleveurs.
Anciennement responsable d’un secteur géographique durant cinq années, c’est après une expérience d’un an en élevage charolais dans le but de reprendre une exploitation agricole qu’il revient finalement au GDS pour devenir responsable du service technique (Pôle Terrain) en charge de la gestion et la formation de l’équipe des techniciens, responsable de la section ovine du GDS mais aussi porteur de projets (développement des audits entérites néonatales, mise en place du plan avortements en série, dynamisation de la section ovine, ...). 2001 : BTSA Productions Animales 2001-2004 : Responsable certification IBR au sein du GDS 54 2004-2009 : Technicien de secteur polyvalent (GDS 54) ; mise en place des formations éleveurs infirmiers 2009-2010 : Eleveur en Saône et Loire 2010-2013 : Responsable Pôle Terrain (GDS 54)
Antoine Dumont
Antoine Dumont est technicien polyvalent au GDS 57. Il a une activité de conseil en santé animale à destination d’éleveurs de bovins et d’ovins en étroite collaboration avec les vétérinaires praticiens. Coordonnateur des actions ovines régionales, il est responsable des journées de formations auprès des éleveurs, des actions liées à la bonne utilisation des médicaments vétérinaires (enregistrement et valorisation des interventions, élimination des déchets d’activités de soins à risques infectieux, …). Il est le référent départemental pour le module sanitaire du site EstElevage. De plus, il encadre l’installation des jeunes exploitants par des audits en élevage et des interventions régulières auprès de lycées agricoles et de centres de formations. Au sein d’une équipe, il participe au suivi des maladies sous certification (IBR) et à la lutte contre des maladies non réglementées (BVD-bovine viral disease, paratuberculose,…). Depuis deux ans, il participe aux travaux d’éradication de la BVD menés par les GDS de Lorraine.
2003 : BTSA Production Animales à Vendôme (41) 2004 : Licence Professionnelle Ingénierie du Conseil en Entreprise Agricole à Saint-Lô (50) 2004 : Technicien au GDS de Moselle (57)
Kristel Gache
Kristel Gache est vétérinaire épidémiologique à GDS France et membre de l’équipe opérationnelle de la Plateforme nationale d’épidémiosurveillance en santé animale (Plateforme ESA)
2007 : Diplômée de l’école nationale vétérinaire de Toulouse Thèse de Doctorat vétérinaire, Université Paul Sabatier, Toulouse 2007-2009 : Vétérinaire praticien 2009-2010 : Master 2 "Surveillance épidémiologique des maladies humaines et animales" (Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, Paris XI, Paris XII) 2010-2012 : Coordinatrice scientifique du projet COMPAQH-HPST (Unité Inserm U988) Depuis 2012 : Vétérinaire épidémiologiste à GDS France |
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