L’animal vieillissant mérite notre intérêt car il relève d’une médecine par approche globale, pragmatique et humble ...
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Colette Arpaillange Directrice scientifique du NOUVEAU PRATICIEN vétérinaire canine-féline
Ancien praticien hospitalier, médecine interne Oniris
Présidente du Groupement Technique Vétérinaire de Nouvelle-Calédonie Clinique vétérinaire Sainte-Marie 6, rue Henri Schmidt 98800 Nouméa
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Dans les années 2000, la gériatrie vétérinaire a pu apparaître davantage comme un phénomène de mode que comme une véritable évolution de nos pratiques. L’animal âgé, appelons le “senior” pour ne pas le vexer, est devenu l’objet de bien des attentions. Et pas seulement parce qu’il représente une cible marketing et une opportunité mercantile. “La silver économie” ne doit pas être notre seule motivation pour développer la gériatrie. Dans nos salles d’attente, les museaux blanchis se font plus nombreux. Les enquêtes sont rares mais la longévité des animaux de compagnie a indéniablement augmenté. Selon une étude allemande, l’espérance de vie moyenne des chats est passée de 6,2 ans en 1982, à 9,2 ans en 1996 et 11,1 en 2005, et celle des chiens de 9,5 ans à 11,9. Mais les seniors ne doivent pas nous intéresser simplement car ils représentent un marché en expansion. L’animal vieillissant mérite notre intérêt car il relève d’une médecine globale, pragmatique et humble. Il ne doit pas être vu comme une simple juxtaposition d’organes potentiellement dysfonctionnels, imposant des investigations coûteuses et des traitements compliqués, sources d’interactions médicamenteuses hasardeuses. Notre devoir est d’accompagner cet animal devenu fragile jusqu’au seuil de sa vie en soulageant les petits maux qui font son quotidien. Et si une maladie chronique se révèle, l’important est autant d’en limiter l’impact sur la qualité de vie que sur sa durée même. Cet exercice peut être plus compliqué qu’il n’y parait : le recours à des médicaments réputés efficaces pourrait, par exemple, avoir des conséquences dramatiques sur l’équilibre précaire de certaines fonctions.
La vieillesse n’a pas de remède
L’enjeu n’est pas de reculer les limites de la mort, d’autant que le terme de la vie de nos animaux de compagnie peut être, en toute légalité, choisi et décidé par leurs propriétaires. Le principal défi est d’aider nos compagnons à bien vieillir et à rester en bonne santé. La véritable difficulté est de laisser la technique s’effacer devant la compassion et l’empathie. S’occuper d’un animal âgé demande avant tout de respecter les attentes des propriétaires face à leur animal qui vieillit et les renvoie à leur propre expérience ou à celle de leurs proches. Certains d’entre eux sont réticents à réaliser des investigations car ils ont simplement peur d’être confrontés à la réalité du vieillissement. Il faut se garder d’interpréter cette attitude comme de la négligence ou du fatalisme. Expliquer, justifier, trouver les mots qui donneront du sens à la démarche proposée demande de sérieuses capacités d’adaptation et de bienveillance.
Médecine préventive et attitude proactive
Face à un animal vieillissant, la prévention et le dépistage tiennent une place majeure. Attendre que les organes sortent de leur silence peut être une perte de chance si la bataille contre la maladie doit s’engager. Laisser une masse grossir, un souffle au cœur conduire à de la toux, un excès d’hormones thyroïdiennes user prématurément un rein semble difficile à justifier. Le bilan gériatrique s’inscrit dans cette volonté de dépistage tout en restant raisonné et raisonnable.
Ralentir le passage de la sénescence à la sénilité
Différencier la sénescence (qui reste un état normal), de la sénilité, marquée par l’évolution vers un état pathologique, peut être difficile. Mais il est encore plus difficile de ralentir les ravages du temps et le passage de la sénescence à la sénilité.
Ce hors-série du NOUVEAU PRATICIEN vétérinaire canine-féline a été conçu pour vous aider à mieux aborder la médecine et les soins de l’animal âgé qu’il soit en bonne santé ou malade. Nous avons en particulier choisi de nous intéresser aux “maux du quotidien”, qui se révèlent lors des consultations de routine. Même et surtout lorsqu’ils sont bénins, plus gênants que graves, il importe d’y apporter une réponse car ils peuvent compliquer le quotidien de nos patients et de ceux qui les accompagnent. S’occuper avec attention et professionnalisme du vieux chien qui se traîne, sent mauvais, retient ses crottes mais pas ses urines, et perd un peu la boule, n’est-ce pas notre cœur de métier ? ❒
Définitions
➜ Gériatrie : branche de la médecine qui se consacre aux maladies de l'individu âgé. Un chien ou un chat est considéré comme âgé lorsqu’il atteint les trois-quarts de son espérance de vie, à partir de 6 ans (pour les chiens de races géantes), de 7 ans pour les grandes races, et de 11 ans (pour les chiens de petites races et pour les chats)
➜ Sénescence : modifications physiologiques (non pathologiques) liées au vieillissement.
➜ Sénilité : troubles physiques et mentaux (pathologiques) irréversibles liés au vieillissement.
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